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d’un bénéfice séculier). Ces derniers sont en fait les recteurs de la paroisse, tandis que le vicaire remplit pour eux les devoirs spirituels de la charge et reçoit la portion des dîmes qu’on veut bien lui allouer.

Le curé de son côté est l’assistant du recteur où du vicaire, mais il ne peut être renvoyé ni par l’un ni par l’autre. Il est en quelque sorte breveté (licenced) par l’évêque sur l nomination du recteur, et son traité ne peut être rompu que par l’autorité épiscopale. Il existe pourtant entre les parties contractantes un accord secret par lequel le vicaire s’engage sur l’honneur à se retirer volontairement dans le cas où il ne conviendrait point au recteur. Beaucoup moins bien rétribué que son supérieur, quelquefois plus éloquent, le curé est aussi plus populaire dans les campagnes. Les ouvriers des champs sont en général un peu effrayés du recteur : il est trop riche pour eux. La plupart des jeunes curés au contraire, possédant encore toute la fraîcheur du zèle clérical, sympathisent volontiers avec les classes pauvres et travaillent bravement en leur faveur. Au milieu de la confusion des doctrines que souffle un siècle de doute et de libre recherche, ils s’attachent plus volontiers aux bonnes œuvres qu’aux controverses religieuses. « Agir quand même » est leur devise, et ils exercent une véritable influence sur le peuple[1].

Un trait qui distingue à presque tous les degrés de la hiérarchie le clergé anglais est qu’il ne vit pas entièrement de l’église. Fils de parens nobles, de riches marchands ou de grands propriétaires, la plupart des recteurs et des vicaires ont par eux-mêmes ou par leur femme une fortune personnelle qui leur crée une sorte d’indépendance. Il faut même qu’il en soit ainsi, car comment pourraient-ils soutenir d’autre façon dans leur paroisse les œuvres de charité, les écoles, qui tombent en grande partie à leur charge, et les frais de représentation ? En moyenne, le vicaire de campagne possède par lui-même un revenu égal à celui de son bénéfice. Ce n’est donc point l’église qui entretient le clergé ; c’est, du moins en partie, le clergé qui entretient l’église. Une situation si peu commune a beaucoup contribué à étendre en Angleterre l’influence sociale et politique des ministres du culte. N’étant séparé des classes supérieures ni par le célibat, ni par des préjugés de caste religieuse, ni par une grande infériorité de fortune, le vicaire se mêle librement à toutes les parties de plaisir du voisinage. Au lieu de s’asseoir humblement

  1. On donne aussi le nom de curés, mais cette fois de curés perpétuels, perpetual curates, aux desservans d’églises dans lesquelles il n’a jamais été institué de vicarage, ou aux ministres de chapelles fondées depuis l’établissement des paroisses et dotées par la bienfaisance de quelques âmes pieuses.