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Michel-Ange, se recommandent plus qu’aucun autre pays et qu’aucune autre époque par la valeur des talens qu’ils ont vus naître, par la grandeur des exemples qu’ils nous ont légués. S’il faut reconnaître à la sculpture française le privilège d’une fécondité inépuisable, ce n’est qu’à la condition de saluer, dans les œuvres de la sculpture florentine, avant la fin de la renaissance des prérogatives plus hautes encore et des mérites plus éclatans.

Et maintenant est-ce tout ? avons-nous tout dit ? En résumant, après M. Perkins et avec l’aide de nos propres souvenirs, l’histoire d’un art trop peu connu de beaucoup d’entre nous parce que les spécimens en sont rares en France[1], avons-nous suffisamment indiqué l’intérêt qu’elle offrirait à ceux qui voudraient l’étudier de près, en face des monumens mêmes, et le profit qu’on tirerait d’une pareille étude ? Il nous a fallu, il est vrai, omettre bien des noms, négliger bien des talens secondaires en apparence et cependant dignes d’une place à côté des maîtres, comme ces habiles graveurs en médaille, qui exigeraient un chapitre à part dans un travail complet sur l’art de leur époque. Puisse du moins le peu que nous avons rappelé conseiller un examen plus étendu et plus approfondi ! La sculpture florentine au XIVe et au XVe siècle n’est pas seulement la manifestation la plus franche des inclinations naturelles à un groupe d’esprits d’élite, à quelques hommes privilégiés ; elle n’exprime pas seulement une certaine vérité de circonstance, les mœurs ou les goûts, à un moment donné d’une école, d’une race, d’un pays. N’eût-elle d’autre signification d’ailleurs, elle commanderait encore l’étude et mériterait notre admiration par la netteté de ses aveux en ce sens, par l’insigne précision des formes qui nous les transmettent. Elle nous donne toutefois sur le fond même, sur les principes, sur les moyens de l’art, des renseignemens plus généraux et plus utiles. C’est en cela que consistent la vertu intime et l’efficacité de ses exemples ; c’est là, pour ainsi parler, la principale moralité qui en ressort.

À tous les momens de la renaissance, dans tous les travaux qui se succèdent depuis la chaire du Baptistère de Pise jusqu’aux

  1. Le musée du Louvre, si incomparablement riche dans les autres séries, ne possède qu’un bien petit nombre de sculptures italiennes du XIVe et du XVe siècle, et cette pénurie est d’autant plus regrettable que, depuis la création du South-Kensington Museum, l’Angleterre a réussi à conquérir beaucoup de précieux morceaux en ce genre. On trouve bien parfois dans nos autres collections publiques quelque monument de l’ancien art florentin, comme la charmante Tête de femme par Mino da Fiesole que possède le département des médailles et antiques à la Bibliothèque impériale ; mais à Paris les témoignages les plus significatifs sont conservés dans les collections particulières, au premier rang desquelles il faut citer celles de M. Thiers, de M. His de La Salle, de M. Seillière, et surtout la collection formée par M. Timbal avec le goût éclairé d’un artiste et la sollicitude érudite d’un curieux.