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les croyances de son époque. Il nous aide à fixer la physionomie morale d’une période difficile à décrire de l’histoire romaine. Il nous fait entrer de plain-pied sur le terrain religieux qui devait toujours de plus en plus conquérir les sympathies des penseurs païens. A tous ces titres, il mérite le haut rang que la critique moderne lui assigne parmi les documens relatifs au IIIe siècle. C’est surtout quand on connaît le milieu d’où le livre est sorti qu’il est facile d’en apprécier l’intérêt. L’histoire n’a pas encore relevé comme il conviendrait la puissante influence d’une famille sacerdotale composée tout entière de femmes dans sa période de célébrité, et qui, tout le temps que dura la dynastie des Sévères, exerça une action peu visible, très réelle pourtant et très forte, sur la marche des affaires et des idées dans l’empire romain. Nous entendons par ces mots « la dynastie des Sévères » les quatre empereurs dont Septime Sévère inaugure la série en 193, et dont le dernier fut Alexandre Sévère, mort en 235.

Septime Sévère arriva au pouvoir suprême dans un de ces momens d’ébranlement où l’on devait se demander si la colossale machine fondée par Jules César et Auguste n’allait pas se briser en cinq ou six tronçons. A la mort de Néron déjà, une crise de ce genre avait éclaté ; Vindex, Galba, Othon, Vitellius, s’étaient succédé avec une rapidité effrayante. Heureusement pour l’empire il se trouva un soldat énergique et habile, Vespasien, qui d’une main vigoureuse rassembla les rênes du char impérial et le remit sur son chemin. Septime Sévère fut en réalité un second Vespasien. A la mort du dernier des Antonins, Commode, tout fut remis en question. Pertinax, jouet de la soldatesque, ne régna que quelques mois ; Didius Julianus, Pescennius Niger, Albinus, Septime Sévère, furent proclamés à peu près en même temps par les légions ; mais Septime, général intrépide et énergique, fort aimé des soldats et redouté du sénat, triompha de tous ses rivaux et régna, non sans gloire, pendant dix-huit ans. S’attacher l’armée par de grandes libéralités tout en y rétablissant une sévère discipline (il débuta par un coup d’audace en cassant la garde prétorienne), l’occuper dans des expéditions lointaines qui la faisaient voyager des bords de l’Euphrate aux montagnes d’Ecosse, et comprimer d’une main de fer les velléités de conspiration de l’aristocratie, telle fut toute sa politique. Ce fut un des empereurs les plus belliqueux, et quand il mourut, son dernier conseil à ses enfans, Caracalla et Géta, fut qu’ils devaient à tout prix se concilier l’armée et se moquer du reste. Il ne se doutait pas