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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 décembre 1865.

Parmi les morts illustres enregistrées dans l’obituaire de 1865, celle qui aura le plus fortement ému l’opinion publique est la mort de Léopold Ier, roi des Belges. Certaines morts ont le don de produire dans les esprits de soudaines illuminations : telle a été celle du roi Léopold. Nous venons trop tard pour relever les circonstances personnelles de la carrière à la fois si calme et si remplie de cet homme remarquable. Le romanesque a été pourtant mêlé à la vie de ce sage. Ce cadet d’une petite maison d’Allemagne a fondé l’influence européenne de la maison de Cobourg. Le point de départ de cette série de succès fut la bonne fortune qu’il eut de plaire à la princesse Charlotte, cette pauvre enfant née du plus triste des mariages, qui eut le malheur d’avoir pour mère la princesse Caroline, pour père le prince-régent, et à qui la mort ravit d’avance le trône d’Angleterre. Léopold de Cobourg, veuf, demeura duc anglais de Kendal ; mais sa sœur avait épousé le duc de Kent. De cette union naquit bientôt la princesse Victoria ; le duc de Kent ne survécut guère à la naissance de sa fille, et Léopold servit de père à celle qui devait être la reine honorée que nous connaissons. Ce fut dans cette situation élevée et tranquille d’un homme qui avait dû d’abord se croire appelé à partager le pouvoir sinon la dignité d’une reine d’Angleterre, et qui plus tard eut à veiller à l’éducation d’une princesse destinée à régner, que les événemens vinrent convier le duc de Cobourg, transformé en patricien anglais, à jouer un rôle personnel. On voulait faire de lui au commencement de 1830 un roi des Grecs. Il mit à son consentement des conditions qui furent refusées par les puissances protectrices du nouveau royaume hellénique. Il accepta l’année suivante la couronne constitutionnelle de Belgique, fondée par une révolution. Depuis lors, tout le monde a vu la grande place que le roi Léopold a faite à lui-même et aux siens en Europe. Il s’allia à la famille qui présidait alors aux destinées de la France, et, par une princesse dont la Belgique mêle aujourd’hui avec une délicatesse touchante le pieux souvenir à son deuil, le sang français