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gions peu frayées, curieuses, à la lumière de documens recueillis dans toutes les archives, à Paris, à Londres, à Florence, à Turin, et ces documens laissent entrevoir toute une partie intime du passé romain, où ce n’est pas précisément l’intérêt de la religion qui triomphe toujours, tant il est vrai que les théoriciens comme M. Keller, qui préconisent le passé et jettent sans cesse l’anathème au présent, ne prouvent pas essentiellement ce qu’ils voudraient prouver et risquent fort d’aller contre leur but.

La vérité en cela, comme en tout, n’est point sans doute une question de mesure. Elle existe par elle-même, indépendante et souveraine. Avouez cependant que la mesure ne nuit point à la vérité. Et la mesure n’est pas seulement dans la forme, elle est dans l’inspiration, dans le choix du point de vue, dans l’équité désintéressée d’un esprit qui brave les habitudes, les préférences, les préjugés de partis, qui ne s’asservit ni à son rêve ni à son idée. La mesure est surtout nécessaire dans la critique, dans cette vie multiple et dévorante qui fait sans cesse passer du vieux au nouveau, du livre d’hier au livre d’aujourd’hui, de l’histoire au roman et à la poésie. Après cela, je ne dis pas qu’elle ne gêne quelquefois un peu l’audace. L’auteur des Nouveaux Essais de Critique et d’Histoire, M. Taine, tiendrait sans doute, lui, pour l’audace. C’est un esprit fortement nourri et inventif dans l’analyse. Sa critique est moins une causerie ailée et libre qu’une science coordonnée, une science d’observation et d’expérimentation. Ses Nouveaux Essais de Critique et d’Histoire ne sont qu’une application de plus de cette science, qui se compose à la fois d’étude et d’invention, de curiosité analytique et d’interprétation. La critique de M. Taine est, à vrai dire, une énergique analyse des idées et des caractères, une vigoureuse anatomie des phénomènes de l’esprit. C’est le procédé invariable de l’auteur dans ses investigations. De là ce qu’il y a de neuf, de substantiel, d’original dans sa manière, et ce qu’il y a aussi quelquefois d’un peu uniforme. Le procédé de M. Taine, disais-je, est dans l’anatomie des phénomènes moraux, dans le rapport de ces phénomènes avec les circonstances, avec les lieux où ils se produisent, avec les époques. Il se complète par le classement de ces phénomènes dans un certain ordre d’après un système. C’est là souvent la source de jugemens neufs ou ingénieux, c’est aussi là quelquefois la source d’aperçus simplement spécieux. Le livre de M. Taine n’en est pas moins, comme tout ce qu’il écrit, de ceux qui font penser, que l’on peut contredire, mais où se manifeste toujours un esprit de forte trempe et de sève vivace.


CH. DE MAZADE.


THÉÂTRE-FRANÇAIS.

Le public a été fort désappointé l’autre jour au Théâtre-Français, et les auteurs de Henriette Maréchal doivent savoir maintenant ce qu’il en coûte de promettre des hardiesses aux spectateurs quand on n’a guère à leur offrir que des réminiscences triviales. M. Théophile Gautier, dans un élé-