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(conduites) d’argent monnayé descendaient à Tampico, qui à cette heure, mécontent de l’interruption causée dans ces envois par la guerre, réagissait sur les provinces centrales d’une façon fâcheuse. Tampico réagissait avec d’autant plus de force que les premiers négocians de la place sont espagnols et anglais, peu disposés déjà par leurs sympathies politiques avoir flotter le drapeau tricolore près de leurs résidences. Pour contre-balancer cette sourde opposition, le commerce français ne comptait comme représentant sérieux à Tampico que la maison Prom, de Bordeaux. Quant aux établissemens mexicains, ils ne sont que secondaires dans cette ville, et si leur influence est minime, en revanche l’instruction commerciale n’y est pas négligée sous certains rapports. Chaque soir, après le couvre-feu, les boutiques se ferment : c’est l’heure où commencent les cours préparatoires d’où les enfans qui se destinent au négoce doivent sortir éprouvés ; sous les yeux des patrons, ils s’exercent pendant une heure à auner les tissus, et leur succès est assuré dès qu’ils savent suffisamment allonger l’étoffe, en la déployant, pour la faire miroiter sous les yeux du client et gagner trois doigts par vara (la vara a 82 centimètres) grâce à la rapidité de l’aunage. Ce curieux apprentissage est la conséquence de la démoralisation, complète d’un pays où les directeurs des douanes s’entendent avec les contrebandiers patentés. Que de fois des négocians, à la réception de cargaisons de provenance européenne dont le paiement des droits devait enrichir la caisse publique de 20 ou 30,000 piastres, sont tombés d’accord avec la direction douanière pour frauder complètement l’état et partager entre eux le total du montant exigible ! Par suite de ces malversations trop souvent publiques et jamais réprimées, le budget mexicain, privé de ses revenus naturels, ne payait plus ses employés, qui forcément à leur tour vivaient de concussions.

La présence de la contre-guérilla donna naissance à un nouveau grief, qui raviva les mauvaises dispositions du haut commerce de Tampico. Le petit corps français dans cette province éloignée n’avait été suivi d’aucun service administratif ni financier. Par décret du général en chef contre-signé par la régence, la douane de Tampico avait reçu l’ordre de payer à la contre-guérilla sa solde de chaque mois sur présentation de ses feuilles de journées ordonnancées et émargées par son conseil d’administration. Depuis deux mois, la troupe n’avait reçu aucun argent, la douane n’ayant pas en caisse les fonds nécessaires. Il était urgent de remédier à un retard de paie qui pouvait compromettre gravement la discipline. Après examen, il fut constaté par les livres publics que les négocians de la place étaient les débiteurs de la douane d’une somme s’élevant à plus de 200,000 piastres (1