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LE DERNIER AMOUR.

vieux garçon, il finit par avouer qu’il avait été marié deux fois et qu’il avait été très malheureux en ménage. On ne put lui en faire dire plus quant à sa propre histoire ; mais, voulant par une conclusion morale quelconque échapper à la curiosité, il nous parla ainsi :

— Certainement l’adultère est un crime, puisque c’est la violation d’un serment. J’estime le crime aussi grave pour un sexe que pour l’autre, mais il est réellement difficile à éviter pour tous deux dans certains cas que je n’ai pas besoin de vous spécifier. Permettez-moi donc d’être casuiste en fait de rigorisme et de n’appeler adultère que la trahison non provoquée par celui qui en est victime et sciemment accomplie par celui qui la commet. Dans ce cas-là, l’époux ou l’épouse adultère mérite châtiment ; mais quel châtiment appliquerez-vous dont celui qui l’inflige ne soit pas fatalement solidaire ? Il doit y avoir pour l’un comme pour l’autre une autre solution.

— Laquelle ? s’écria-t-on de toutes parts : si vous l’avez trouvée, vous êtes habile !

— Je ne l’ai peut-être pas trouvée, répondit modestement le vieux Sylvestre, mais je l’ai beaucoup cherchée.

— Dites-la ! dites ce que vous avez jugé le meilleur !

— J’ai essayé de trouver le châtiment qui moralise, je n’en ai jamais conçu d’autre.

— Quel est-il ? L’abandon ?

— Non.

— Le mépris ?

— Encore moins.

— La haine ?

— L’amitié !

On se regarda, les uns riaient, les autres ne comprenaient pas.

— Je vous parais insensé ou niais, reprit tranquillement M. Sylvestre. Eh bien ! avec l’amitié envisagée comme châtiment, on pourrait moraliser les natures accessibles au repentir ; mais ceci demanderait de trop longues explications : il est dix heures, et je ne veux pas inquiéter mes hôtes. Je vous demande la permission de m’esquiver.

Il le fit comme il le disait, sans qu’il fût possible de le retenir. On n’attacha pas une grande importance à ses paroles. On pensait qu’il se tirait d’affaire par un paradoxe quelconque, ou que, comme un vieux sphinx, il nous jetait, pour masquer son impuissance, une énigme dont il ne tenait pas le mot.

Je l’ai comprise plus tard, cette énigme de M. Sylvestre. Elle est aussi simple, je dirais presque aussi puérile que possible, et