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L’île Rodrigue et la Réunion (île Bourbon) possédaient aussi à l’époque de la découverte des Mascareignes de grands oiseaux impropres au vol, dont la race s’est rapidement éteinte lorsque ces îles, précédemment désertes, furent occupées par les hommes. À Rodrigue, il y avait le solitaire, connu des naturalistes par un certain nombre de pièces osseuses recueillies à la fin du siècle dernier et pendant le siècle actuel dans les cavernes de l’île. Le Muséum d’histoire naturelle de Paris en possède quelques-unes. À la Réunion, on a trouvé, paraît-il, des oiseaux dont l’un était comparable au dronte et l’autre au solitaire, mais qui différaient néanmoins de ces deux espèces. Il n’en reste aucun vestige, aucune description. Les anciens créoles de la Réunion désignent encore l’un des deux sous le nom d’oiseau bleu.

Les fouilles qui avaient été entreprises à Maurice et à la Réunion par divers naturalistes pour retrouver quelques ossemens des oiseaux perdus étaient toujours restées sans résultat. On avait déjà presque renoncé à l’espoir d’en savoir jamais davantage sur ces anciens habitans des Mascareignes, quant au mois d’octobre 1865 un heureux hasard a mis au jour à l’île Maurice des ossemens de dronte en quantité suffisante pour reconstituer plusieurs fois le squelette de cet oiseau. Un habitant de Mahébourg, M. George Clark, s’était livré depuis longtemps à d’activés, mais vaines recherches en différens points de l’île. Dans ces dernières années, l’ouverture des tranchées nécessitées par la construction du nouveau chemin de fer semblait devoir amener la découverte tant désirée ; mais cet espoir fut encore trompé. Enfin en septembre 1865 M. Clark apprit qu’un propriétaire des environs, M. Gaston de Bissy, faisait retirer d’un marais appelé la Mare aux Songes des boues d’alluvion destinées à servir d’engrais, et que ses terrassiers y rencontraient des ossemens de cerfs et surtout de tortues. Dès lors M. Clark entrevit la possibilité de mettre la main sur les restes introuvables du dronte. Il obtint de M. de Bissy toutes les mesures propres à conduire à ce résultat ; mais ce ne fut que lorsqu’il décida quelques ouvriers à entrer jusqu’à la ceinture dans l’eau noire et bourbeuse et à tâter la vase du fond avec leurs pieds qu’il eut l’inexprimable satisfaction de voir retirer du marais un fragment authentique d’os de dronte. Encouragé par ce premier succès, il organisa immédiatement des fouilles plus sérieuses, et bientôt il eut entre ses mains de quoi approvisionner plusieurs collections. La Mare aux Songes était un véritable ossuaire.

L’endroit est d’ailleurs particulièrement propice au séjour des bêtes dont on y rencontre les restes. C’est un vallon étroit, entouré de collines à pentes douces ; le fond en est formé par des masses rocheuses dont les interstices sont comblés par des alluvions de plusieurs siècles, de sorte que la profondeur de la vase est très variable d’un point à l’autre. Plusieurs sources qui se font jour entre les roches entretiennent l’humidité dans les sécheresses les plus prolongées. Des plantes aquatiques ont poussé sur les bords du vallon et ont formé une sorte de natte qui recouvre les parties