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LES PRÉCURSEURS ITALIENS.

De toutes les contrées de l’Italie, aucune n’a plus d’originalité et d’attrait que cette Toscane où le paysage et l’histoire, le passé et le présent semblent former un perpétuel contraste. — Le paysage, vous l’avez sous les yeux en abrégé des hauteurs de Fiesole, la ville étrusque qui domine Florence, du dernier gradin de ce pittoresque amphithéâtre où est allé se poser un couvent de franciscains. Sur le penchant du coteau fourmillent et s’étagent les villas, dont quelques-unes ont été fameuses, — les villas Médicis, la villa Mozzi, où fut nouée la conjuration des Pazzi et qu’habita le grand condottiere Jean des bandes noires, la petite maison cachée dans la verdure où se rassemblaient les jeunes femmes de Boccace allant oublier la peste en écoutant des histoires galantes. Au bas du coteau se déploie nonchalamment Florence, coupée par l’Arno, qui s’enfuit vers la campagne en longeant les caséines et que vous retrouverez à Pise. Au-delà du fleuve, les gracieuses et verdoyantes hauteurs de Bellosguardo et de San-Miniato. À droite, la chaîne de l’Apennin qui se déroule, les monts de Carrare qui étincellent de blancheur sous le soleil à l’horizon, et plus loin encore les montagnes de la Spezzia qui se dessinent à l’extrémité dans le bleu du ciel. Dans cette vallée de l’Arno, rien de violent, rien de heurté, aucune de ces oppositions saillantes de longues plaines et de cimes gigantesques comme dans l’Italie du nord, de volcans et de bois d’orangers comme dans l’Italie du midi : tout se fond par gradations harmonieuses dans un ensemble dont le vrai signe est une sorte de proportion ingénieuse. — L’histoire, elle est écrite sur ces monumens massifs et sévères, palais Vieux, palais Pitti, palais Strozzi, qui dressent leurs murs noircis sous un ciel riant, témoins survivans et impassibles d’un autre âge où la lutte était partout, où ces fières villes disputaient leur liberté et leur indépendance avec un Ferruccio pour guide, où de ces républiques de marchands sortaient de grands poètes, de grands artistes, de grands hommes d’état. Le caractère toscan, transformé, pétri, émoussé par les révolutions, se ressent de cette nature extérieure et de cette histoire : il a la délicatesse de l’une, la fierté de l’autre, avec le scepticisme d’une race raffinée et frondeuse. C’est dans ce pays aux contours adoucis et aux grands souvenirs, qui dans son histoire va des vieilles agitations locales à l’Italie unifiée d’aujourd’hui à travers la domination brillante, quelquefois éclairée, plus souvent corruptrice des Médicis et des Lorrains, c’est dans cette Toscane que Niccolini avait vu le jour et n’avait cessé de vivre.

Il était né aux bains de San-Giuliano de Pise le 29 octobre 1782, Enfant d’une famille de patriciens de Florence et descendant par sa mère du poète Vincenzo Filicaia, l’auteur de ce sonnet, qui ne fut