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célèbre que parce qu’il faisait retentir le nom de la patrie dans le silence du XVIIe siècle : « Italie, Italie ! ô toi à qui la fortune a fait don de la beauté,… etc. » Il avait reçu l’éducation qu’on pouvait recevoir alors en Toscane dans une famille patricienne, mais pauvre et bientôt encore plus appauvrie par la mort prématurée du père. Il avait eu pour premier maître un frère des écoles pies qui ne le gâtait pas, — « peut-être parce que j’étais pauvre, dit Niccolini, et que mes parens ne lui faisaient pas de cadeaux, » qui s’appliquait à le faire mordre au travail d’une singulière façon, en l’injuriant, en lui répétant : « Vous êtes noble, et vous ne serez qu’un sot comme les autres vos pareils. » Il était allé à l’université de Pise étudier la philosophie et les lois. Quand il quitta l’université de Pise avec le titre de docteur, je ne sais s’il avait étudié beaucoup les lois ; mais il avait senti se remuer en lui le démon poétique, il s’était formé au goût et à l’étude de l’antiquité, la souveraine maîtresse de l’imagination ; il lisait avec enthousiasme Euripide et Eschyle aussi bien que Dante, et de plus il avait passé à une école terriblement instructive : il avait grandi dans ce tourbillon d’événemens de la fin du siècle où la Toscane avec l’Italie était emportée, où elle allait devenir le jouet des événemens, transformée tour à tour en république, en petit royaume d’Étrurie, en grand-duché napoléonien ou en province française. Poète, Niccolini l’était certainement : il le montrait à vingt-deux ans par ces premiers vers de la Pietà que lui inspira une épidémie abattue sur Livourne et qui commencèrent sa renommée, où on sentait « l’esprit de Dante et la volupté de la douleur ; » il le montrait encore par une multitude d’essais préludant à cette belle étude antique de Polixène, sa première tragédie, pour laquelle il partageait le prix décennal fondé en Italie comme en France. Patriote, il ne l’était pas moins ; il était un des chefs de cette jeunesse universitaire qui, aux heures de crises, allait demander des armes contre ce qu’on appelait le parti vieux,’et quand se déchaîna la réaction furieuse de 1799, quand descendit jusqu’à Florence cette étrange insurrection d’Arezzo, que soufflaient les prêtres et qu’une femme conduisait au nom de la vierge Marie et des Autrichiens, Niccolini lui-même n’échappa pas tout à fait aux persécutions ; il fut un moment enfermé à la forteresse. C’est, je crois, la première et la dernière fois qu’il s’est trouvé personnellement enveloppé dans un orage public. Ce ne fut jamais une nature de conspirateur, ou du moins ce n’était qu’un de ces conjurés de l’esprit qui en imposent quelquefois à la force par la candeur même de leurs pensées et de leur vie.

Jeune, signalé comme un brillant espoir, mêlé à tous les hommes qui cultivaient les lettres ou les sciences, Niccolini se distinguait