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pérament. Or Marie-Antoinette n’en était plus alors aux premiers temps de la salle d’étude, elle était mariée, elle était dauphine de France. En 1774, elle avait dix-neuf ans. Pour changer son écriture du tout au tout et maintenir le changement, il faut un je ne sais quoi de plus qu’une volonté de fer. Cette volonté, Marie-Antoinette l’avait-elle eue, et pourquoi l’eût-elle eue? Comment, en un mot, aurait éclaté tout à coup, après son avènement, après l’écriture des documens allemands, de 1770 à 1774, cette écriture sui generis, si différente de physionomie et qui ne changea plus? Comment, après avoir eu des habitudes contractées, après avoir affecté des F glissant avec facilité, des D toujours italiens, c’est-à-dire composés d’un et d’un jambage de T, des R de coulée, aurait-elle tout à coup et comme par enchantement passé aux doubles F, si nerveux et comme fébriles, à ces R de bâtarde, à ces P aussi de bâtarde, enfin à ces D encore de bâtarde jetés d’un seul coup et bouclés si curieusement, sans que jamais une seule fois, en près de vingt ans, la facture des lettres anciennes revînt sous sa main, si ce n’est çà et là en imperceptibles éclairs. Comparez en effet, dans les fac-simile Arneth, la lettre du 21 septembre 1773 à celle du 17 décembre 1774, le contraste est-il assez saillant?

C’est radicalement invraisemblable, répétait-on; mais le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable, et si une première impression d’instinct a son prix, il faut néanmoins, en matière d’expertise, s’en méfier. Aussi mes amis et moi crûmes-nous devoir suspendre notre opinion jusqu’à plus ample informé. Instruit de l’existence d’une lettre originale de Marie-Antoinette à Parme, celle du mois d’avril 1770, indiquée plus haut, j’en demandai un fac-simile. J’eus l’idée aussi de relever aux registres de l’état civil de Versailles tout ce qui pouvait s’y trouver de signatures de la reine, et particulièrement celle de son acte de mariage. La moisson fut abondante. Outre cette dernière, qui est écrite de tous ses noms :

Marie-Antoinette-Josèphe-Janne (sic), j’en trouvai dix-huit autres;

2° Une du 14 mai 1771, ainsi formulée : Marie-Antoinette-Josèphe-Jeanne;

3° Une du 4 septembre de la même année, écrite seulement Marie-Antoinette.

A partir de cette époque, la signature est toujours de ces deux noms seuls. En voici les dates :

4°, 5° et 6°. — 11 mars, 23 mai, 16 novembre 1773;

7° et 8°. — 6 et 21 août 1775, la première est sur l’acte d’ondoiement du duc d’Angoulême;

9°. — 5 août 1776;