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morale de ces expressions : « je suis toute Française, Française jusqu’au bout des ongles, » fréquemment attribuées à Marie-Antoinette vis-à-vis de sa mère et de sa sœur, il écrit ces lignes : « Malheureuse reine! Calomniée de son vivant, immolée comme trop Autrichienne; trop Française pour les Allemands, aujourd’hui trop Autrichienne encore pour certains critiques français qui, importunés de ce qu’on relève une reine, ne voient que des paroles menteuses et de mélodrame dans de sincères et légitimes accens de douleur et d’angoisse, et qui donnent le nom de période de l’expiation au temps de son emprisonnement, de son procès et de sa mort! » M. Feuillet me met ici deux fois en cause. Il résume d’abord, et sans inexactitude, mon opinion sur les lettres que je crois apocryphes. Si, par exemple, je ne me trompe pas sur la prétendue lettre à Marie-Christine en date de septembre 91 : «... Sans mes pauvres enfans je voudrais être en paix dans ma tombe; ils me tueront, ma chère Christine! » si cette lettre est fabriquée, il est clair, tout le monde en conviendra, que ce n’est pas assez de dire : « paroles menteuses et de mélodrame; » il faut ajouter : profanation insigne ! Ce que M. Feuillet ajoute travestit ma pensée et par là dépasse les limites d’une discussion permise. Voici ce que j’ai écrit et qui répondra du même coup à cette étrange insinuation contre « certains critiques importunés de ce qu’on relève une reine. » Le 10 août, ai-je dit, en consommant le divorce devenu inévitable entre la révolution et l’ancienne royauté, « ouvrit pour Marie-Antoinette et Louis XVI ce qu’on a appelé la période de l’expiation... » Et j’ai ajouté que ce qu’on avait appelé l’expiation avait montré ce roi et cette reine payant, eux seuls, pour beaucoup de fautes que d’autres avaient commises. « Ils l’ont tous deux compris et accepté, disais-je : cela s’appelle du martyre, c’est le sacrifice qui épure et rachète, et mérite par surcroît un perpétuel respect. »

Cela encore n’a d’ailleurs aucun trait à la question qu’il s’agissait de résoudre. En résumé, si les documens contestés étaient authentiques, comment n’aurait-on pas trouvé, pour le démontrer, de meilleurs raisonnemens? « Faites la part du feu, vous a dit M. Sainte-Beuve. Si vous avez été induit en erreur pour une vingtaine ou une trentaine de lettres, dites-le et reconnaissez-le franchement. » Prenez garde que d’ailleurs « pour un grand nombre d’esprits, et de bons esprits, — c’est encore M. Sainte-Beuve qui parle, — la question d’authenticité soulevée pour une partie de ces lettres n’est plus douteuse et a été tranchée, »


A. GEFFROY.