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LE DERNIER AMOUR.

tu es assez folle pour l’oublier ? est-ce que tu ne me connais pas est-ce que tu ne sais pas que ce que je veux, il faut le vouloir ?

de félicie.

Alors si tu es un fou et un assassin, dis-le tout de suite, car il faut que je meure. Si dans trois jours je ne reçois pas de lettre de toi, je me tuerai.

de tonino.

La vie de Sylvestre est dans tes mains. Sois au rendez-vous que tu sais le 5, à une heure du matin.

de tonino.

Tu as vaincu le tigre, tu l’as enchaîné. Tu l’as fait bien souffrir, cruelle, mais tu lui as laissé l’espérance. Ah ! oui, tu m’aimes, va ! Tu as beau le nier, ta colère fond dans mes bras ; tu repousses mes baisers, mais tes mains, tes genoux, tes épaules sentent mes larmes, et ces larmes-là finiront par te brûler. Aime-moi donc, folle ; est-ce que tu peux t’y soustraire ? est-ce que tu ne l’as pas voulu ? est-ce que tu ne m’as pas élevé sur ton cœur comme un oiseau tombé du nid, à qui tu donnais ta chaleur et ta vie ? Un inceste ? allons donc, cousine ! le pape a des dispenses, et le ciel rit de tes scrupules. Tu veux me faire croire que nous pouvons être la mère et le fils ! C’est bon pour ces lourds protestans ou pour ces catholiques à sang froid qui habitent le pôle. Nous sommes des Italiens, nous, des êtres vivans, ardens, complets. Moi, je n’ai jamais voulu t’appeler ma mère, et je ne t’appellerai jamais que ma vie ; mais j’ai bien voulu boire tes caresses, j’en ai été nourri, enivré depuis que j’ai souvenance de moi-même. C’est là l’amour, il n’y en a pas d’autre. Tu n’aimes pas, tu n’aimeras jamais Sylvestre. C’est un vieillard, c’est un père, lui ! très bien. Qu’il reste près de toi, vénère-le, adore-le comme une image de saint, je veux bien, ça m’est égal ; mais ne l’épouse pas, je te le défends !

de tonino.

Tu m’aimes et tu m’aimeras. J’ai consenti, épouse-le, puisque tu le veux ! Ambitieuse ! il te faut deux amours, un pour l’esprit, un pour le cœur ? J’aurai le bon, moi ; j’aurai celui que je veux. Il le faudra bien : patience !

de félicie.

Non, cent fois non, tu n’auras pas l’amour que tu veux de moi. Quand même je succomberais au trouble où tu me jettes avec tes folies, cela ne prouverait pas que je t’aime. Quel plaisir trouve-