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Les terrains à bâtir sur cet emplacement, où déjà 150,000 mètres ont été aliénés à la condition d’être construits dans un délai de huit ans, suffiraient à rétablir du côté du sud de la ville l’équilibre détruit par le mouvement récemment opéré au nord. On pourrait aussi y conquérir ou reprendre à des services publics 160,000 mètres de terrain, dont 10,000 dans l’ancien bassin du carénage, 52,000 au fort Saint-Nicolas, 98,000 par le creusement d’un port; mais l’étendue est bien autrement considérable autour de la Joliette et de la rue Impériale. Les surfaces construites dépassent 74,000 mètres carrés, sur lesquels la compagnie immobilière, soit par elle-même, soit par des tiers acquéreurs, achève d’élever 419 maisons. Il reste encore à couvrir de bâtimens, dans un délai de huit ans, au quartier de la rue Impériale 11,000 mètres, à la Joliette 88,700, au lazaret 205,300, ce qui fait, avec les 150,000 mètres du quartier des Catalans destinés à la construction, 455,000 mètres, sur lesquels 2,000 maisons doivent être commencées immédiatement, et 1,000 de plus achevées en 1874. Si on ajoute à ces chiffres les 160,000 mètres à créer aux Catalans, sur lesquels 1,100 maisons seraient à l’aise, on aura en constructions déjà faites, commencées ou en projet, un total de 4,100 maisons édifiées en dix années, c’est-à-dire, en ne comptant que vingt habitans par maison, la création d’une ville d’environ 80,000 habitans sur deux emplacemens autrefois inutiles.

Cette gigantesque entreprise est-elle hors de proportion avec les nécessités du présent et celles de l’avenir? La population de Marseille, qui était de 87,000 habitans en 1764, et qui aujourd’hui atteint le chiffre de 300,000, comptait en 1764 1 étranger pour 29 Marseillais; elle en compte aujourd’hui 1 sur 2. Il n’est pas douteux que le percement de l’isthme de Suez ne détermine un mouvement d’étrangers plus considérable encore, et la proportion de 1 à 2 sera très certainement retournée avant vingt ans. Sans compter les progrès de la population indigène elle-même, en évaluant uniquement ceux de l’immigration étrangère, on doit porter au chiffre minimum de un demi-million d’habitans la population marseillaise avant un quart de siècle. Les travaux de reconstruction n’auront donc fait que marcher parallèlement avec l’accroissement annuel des habitans. Ils auront encore eu ce mérite, qui les justifie pour le présent, de remplacer par des maisons saines, élégantes même, les bouges où s’entassaient pêle-mêle les habitans des vieux quartiers, de substituer des rues larges et aérées à des ruelles insalubres ou à des rochers infertiles. La vieille ville était décimée par des maladies périodiques : de 1833 à 1865, le choléra l’a visitée huit fois. Aujourd’hui la santé publique