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Les siècles ont passé cependant. Obéissant à cette loi qui pousse toute créature à son point culminant d’évolution, le chêne dont nous avons raconté la jeunesse et la formation si lente a peu à peu élargi son tronc, ses branches et le diamètre de sa vaste couronne, où se sont succédé chaque année les bourgeons, les feuilles, les fleurs et les fruits suivant l’alternance des saisons et l’intermittence de vitalité quelle occasionne chez les végétaux de nos zones tempérées. Chaque printemps, un flot montant de sève est venu renouveler la vie de notre chêne; chaque hiver, une suspension de vie, un temps de repos relativement comparable au sommeil des animaux hivernans, a comme supprimé toutes les fonctions du végétal entier. C’est ainsi que les couches annuelles d’aubier se sont superposées, et que la cuirasse extérieure de l’écorce, toujours sollicitée par l’expansion des tissus enveloppés, s’est fendue, remplaçant chaque écaille tombée par une écaille nouvelle; mais toute évolution a sa limite, toute impulsion son point d’arrêt. Après la période d’apogée commence la phase de ralentissement, décadence lente, mais progressive et implacable; chacune des fonctions du vieux chêne est successivement enrayée, amoindrie, enfin paralysée. Cet état morbide peut durer des années, mais va chaque jour s’aggravant de plus en plus; il vient enfin une heure où le colosse se sent défaillir. Par une analyse inverse à celle que nous avons déjà faite, nous pourrions de la cime à la racine, où la vie a débuté, où elle semble chercher un dernier refuge, passer encore en revue ces feuilles, ces tiges, ces fibres, ces vaisseaux et ces cellules que nous connaissons, et nous verrions chacun d’eux trahir sa lassitude par des défaillances particulières. Aussi les