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et les maisons d’escompte pour attirer les ressources disponibles par l’appât d’un gros intérêt. N’est-ce pas ainsi que dernièrement encore les classes laborieuses ont vu crouler avec désespoir la compagnie établie sous le titre pompeux de The national Savings’ bank Association, fondée en 1856, au capital de 100,000 livres sterling en actions d’une livre. Cet établissement ne comptait pas moins de cent soixante-quatorze succursales, dont trente-sept dans la métropole ; il avait fait appel par des prospectus retentissans aux plus faibles sommes, lentement amassées et rudement conquises par le labeur de chaque jour. Il prenait en pitié les 3 pour 100 des caisses d’épargne, il offrait 4, 4 1/2, 5 et même 6 pour 100, accueillant les dépôts les plus minimes et promettant des branches (branch-banks) partout où on aurait souscrit un nombre d’actions suffisant ; surtout il insistait sur la sécurité acquise à des placemens si avantageux. Les classes laborieuses ont cédé à la tentation trompeuse (that tempting delusion) d’un intérêt élevé ; elles s’en repentent amèrement aujourd’hui. — On dira peut-être, en invoquant la théorie favorite du self-government : Les hommes doivent savoir veiller sur eux-mêmes et sur ce qui leur appartient. D’accord, nous aimons cette fière maxime, néanmoins c’est à la condition que la loi ne soit pas assez élastique pour ne fournir aucun remède contre les gens peu scrupuleux à l’égard de ce qui appartient à autrui. La formation des sociétés à responsabilité limitée offre des facilités dont une exacte probité ne s’accommode guère. La banque Overend, Gurney and C°, à la suite d’une impulsion aussi large qu’imprudente, était devenue insolvable. On choisit ce moment pour la reconstituer au mois d’août 1865, sous forme de société à responsabilité limitée, au capital de 5 millions de livres sterling (125 millions de francs), divisé en 100,000 actions de 50 livres (1,250 fr.) chacune, sur lesquelles 15 livres (325 francs) se trouvaient versées. L’apport de l’ancienne maison, dont on connaît l’état, fut payé 500,000 livres sterling (12,500,000 francs) ! Les titres de la société Overend, Gurney and C° limited se négocièrent avec une prime élevée, qui était récemment encore de 10 livres sterling ; elles sont tombées d’abord à 12 livres d’escompte, c’est-à-dire de perte, et depuis qu’un appel nouveau de 10 livres a été fait par les liquidateurs aux malheureux actionnaires, ces actions ne sont même plus cotées à aucun prix.

Une série d’opérations vicieuses et des charges accablantes avaient dissipé les ressources de l’ancienne compagnie ; on pouvait espérer que la leçon aurait profité à la direction nouvelle. Il n’en a pas été ainsi ; elle multiplia les opérations hasardées et se trouvait au bord de l’abîme, quand une similitude de nom vint lui porter une rude atteinte lors de la faillite Overend, Watson and C°, constructeurs de