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SOUVENIRS
D'UNE CAMPAGNE
DANS L'EXTREME ORIENT

DE FRANCE A SINGAPORE.

En mer. — 16 février.

Nous voici enfin en route, joyeux d’échapper ainsi aux mille ennuis inséparables du départ, alors surtout que l’absence doit être de plusieurs années. On se repose à la mer en pareil cas. — Se reposer, faire le négociant, dit le matelot : n’est-ce pas là une charmante métaphore? Pour lui, pauvre diable dont la vie se passe entre le ciel et l’eau, dont la moitié des journées comme des nuits est consacrée à faire le quart, le négociant, l’armateur est l’homme heureux par excellence, celui qui, tranquille au logis, n’a autre chose à faire que de s’y reposer et de dormir grassement toutes les nuits, en attendant les navires qui lui rapporteront de riches chargemens des quatre coins du globe. Cependant les vertes prairies qui bordent la Charente disparaissent rapidement derrière nous; nous traversons la rade de l’île d’Aix, les longues lames de l’Océan commencent à nous bercer, et la nuit qui survient nous montre à l’horizon les derniers feux de la côte de France. C’est en chantant sur le gaillard d’avant que l’équipage leur dit adieu.