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second à une de ces riches cités commerçantes de l’Asie-Mineure, où toutes les nations se donnaient rendez-vous, et que les Persans avaient, par de fréquentes relations, initiées et conquises à leur architecture. Nous savons encore que Justinien II employa un architecte persan, dont le nom ne nous est pas parvenu, pour dessiner les somptueux édifices dont il embellit la ville. Ce sont là des faits caractéristiques et qui donnent la clé de bien des mystères. La pompe de la cour byzantine, avec l’étiquette, les titres, les étoffes, les costumes, les modes, les ustensiles, les dispositions intérieures de l’habitation qui la caractérisent, et que les sultans ont perpétuées jusqu’à nos jours, fut empruntée à la civilisation asiatique, célèbre en ce genre depuis les temps les plus reculés.

Il faut donc attribuer sans hésiter à ce peuple de l’Iran, si fin, si éminemment artiste, et artiste à la fois inventeur et conservateur, véritablement scopritore del vero, le chercheur du vrai, la gloire de cette renaissance, dont le style byzantin, puis arabe, puis ogival, ont été les conséquences immédiates. Comment expliquer d’ailleurs une métamorphose architecturale aussi subite, aussi complète, si ce n’est par l’introduction d’un art parvenu dans des contrées voisines au plus haut degré de perfection ? La coupole byzantine, l’arc, la voûte et toute cette architecture pyramidale étaient depuis des siècles employés en Perse, ainsi que nous allons le prouver. Ce mode de construire devait être créé tout naturellement dans un pays où pendant l’été l’ardeur du soleil, les réverbérations du sol et la poussière exigent de vastes salles placées sur de hautes plates-formes et des voûtes élevées pour aller chercher l’air et la fraîcheur des cimes, tandis que l’hiver les neiges qui tombent en abondance glissent sur les coupoles sans y séjourner.

L’absence de marbres et de pierres assez grandes pour couvrir les plafonds de ces galeries fit inventer la brique. L’invention de la brique et de la poterie fut la plus grande cause de progrès dans l’architecture des Perses. La brique joue un grand rôle dans leur façon de bâtir ; c’est d’eux que les Romains en apprirent l’usage. De cet emploi général des briques découle la preuve que l’arc et la voûte sont originaires de ce pays. Le problème de l’architecture du moyen âge et de l’art du monde nouveau est par là même résolu. Ce que Ctésias nous dit des voûtes sous l’Euphrate, celles retrouvées à Babylone et à Ninive, la tombe de Cyrus décrite par l’historien d’Alexandre, Aristobule, la description des palais de Sémiramis, des châteaux forts de Persépolis et de Ninive par Strabon, enfin les inscriptions découvertes sur ces ruines et récemment traduites, démontrent clairement que la forme conique a été employée dès la plus haute antiquité dans cette partie de l’Asie.