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III


Dans son fauteuil fleurdelisé,
En proie à l’angoisse suprême,
Ainsi causait avec lui-même
Le grand roi par l’âge brisé.

Monologue tragique et sombre !
Lutte dont vibrait tout son corps !
« Souffrez-vous, sire ? » dit alors
La Maintenon sortant de l’ombre.

« Ce n’est rien, madame ! » Et soudain
La duègne se reprit à lire ;
Mais dans cette tête en délire,
Le monologue allait son train.

Quels pensers mornes et funèbres
L’assaillirent en ce moment ?
Quel spectacle, quel châtiment
L’épouvanta dans les ténèbres ?

Vit-il, du haut de ces sommets,
Où la Mort entraîne ses hôtes,
Le poids énorme de ses fautes
Peser sur sa race à jamais ?

Au loin, dans la nuit sans étoile,
Sous un ciel tout rayé de sang,
Vit-il se dresser menaçant
Un échafaud qu’un crêpe voile ?

On ne sait ; mais il se leva
Pâle, terrible, atrabilaire,
Et, foudroyant de sa colère
Le ciel où gronde Jéhovah,

S’écria, l’œil cerclé de bistre,
La voix rauque : « C’est inoui !
Après ce que j’ai fait pour lui ! »
Puis retomba, calme et sinistre.


HENRI BLAZE DE BURY.