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elle rendit possible le travail des employés, qui, sans cela, succomberaient aujourd’hui sous le nombre des objets qu’ils ont à manipuler. Une dernière et équitable amélioration a encore été introduite par la loi du 5 juin 1854, qui détermine la taxe actuelle et accorde à l’affranchissement une prime de moitié du prix de la lettre.

C’est en examinant et en comparant les chiffres qu’on pourra comprendre les résultats obtenus par les différentes mesures qui viennent d’être énumérées. Nous avons déjà dit qu’en 1791 il existait en France 1,419 bureaux de poste, et qu’en 1829 on en comptait 1,799; en 1838, le nombre est de 2,395; en 1865, il est de 4,776. Le nombre des objets manipulés par l’administration des postes est en 1825 de 86,342,197, en 1845 de 178,374,394, en 1865 de 700, 440,676. Le produit général de la vente des timbres-poste est en 1849 de 4,446,766 fr.; en 1865, il a été de 60,695,548 fr. sur lesquels la part seule de Paris, en dehors des nouvelles communes annexées, est de 10,958,214 francs. Enfin en 1829 il n’existait pas un seul facteur rural; aujourd’hui la poste en emploie 16,406, qui parcourent chaque jour, sans repos du dimanche, 428,256 kilomètres, c’est-à-dire un espace de chemin égal à plus de dix fois le tour de la terre. J’avoue que je ne puis qu’admirer sans réserve. L’impulsion donnée à cet immense service, qui est en activité jour et nuit, part de l’hôtel des postes de Paris.


II.

Avant d’examiner les différens détails d’une si considérable administration, il n’est pas inutile de revenir en arrière pour un instant et de dire quelques mots d’une institution qui a fait grand bruit jadis, qui a inspiré bien des colères, et qui reste justement flétrie par l’opinion publique : je veux parler du cabinet noir. Il prit réellement naissance en même temps que l’administration des postes, car, ainsi qu’on l’a vu, Louis XI eut soin de spécifier que les courriers royaux ne transporteraient les lettres que si elles avaient été lues préalablement, et si elles ne contenaient rien qui pût porter préjudice à son gouvernement. C’est là l’origine de cette institution, qui, malgré le mal qu’elle s’est donné, l’argent qu’elle a coûté, n’a peut-être jamais fait avorter une conspiration, une émeute, une révolution ou une tentative d’assassinat politique. Il paraît hors de doute que les anciens gouvernemens y ont eu recours. Les Concini, les Richelieu, les Mazarin, les Louis XIV, les Dubois, n’étaient point hommes à s’arrêter devant le cachet d’une lettre fermée; mais nul document précis n’existe, sur lequel on puisse baser une certitude.