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en jour davantage des sciences physiques et naturelles, ils leur ont proposé de faire alliance avec elles dans l’intérêt de l’esprit humain. Enfin, s’appuyant sur les connaissances expérimentales apportées par ces sciences diverses, ils ont ici construit de toutes pièces et d’un seul jet, là préparé lentement et édifié jusqu’à une certaine hauteur la philosophie de la nature. La vérité est encore qu’en ce moment même le double mouvement idéaliste et spiritualiste qui nous occupe produit des œuvres ou des réimpressions d’œuvres dont les titres, quoique divers, signifient tous un seul et même objet, la philosophie de la nature.

Il ne serait ni sage ni juste de refuser son attention à de semblables travaux. Pourquoi dédaignerait-on les méditatifs qui, à l’exemple des plus grands parmi les anciens, traitent dogmatiquement de la nature des choses? Ou bien leurs efforts n’ont abouti qu’à démontrer encore une fois la radicale impuissance et l’irrémédiable vanité de la recherche des causes et des substances, ou bien ils ont fait avancer la science de quelques pas, soit en posant mieux les problèmes, soit en perfectionnant les méthodes, soit en proposant des conceptions nouvelles et fécondes. Dans l’un comme dans l’autre cas, il importe de constater le succès bon ou mauvais de leurs hardies tentatives.

Or les penseurs qui tâchent d’interpréter la nature en se plaçant au point de vue de l’idéalisme sont aujourd’hui de trois sortes. Les premiers, purs hégéliens, acceptant tout entière la doctrine du maître et se bornant à la reproduire, à l’expliquer et à la commenter, prennent pour point de départ l’idée, c’est-à-dire une certaine conception du principe absolu, et déduisent de ce principe la totalité des existences. On ne peut pas dire qu’ils méprisent l’expérience, cependant ils la sacrifient résolument lorsqu’elle vient à la traverse de leurs spéculations rationnelles, ou plutôt lorsqu’elle gêne leurs évolutions essentiellement logiques. — Les seconds, savans avant d’être philosophes, géomètres, chimistes et physiciens avant d’être métaphysiciens, s’imaginent sans méfiance que la marche de leurs investigations doit être celle-là même qu’ont suivie leurs études spéciales. En conséquence ils partent des résultats obtenus jusqu’ici par les sciences physiques et naturelles: puis, allant, selon leurs propres expressions, de l’observation des faits à l’observation des idées, et du monde inorganique à l’homme, ils se proposent de résumer les expériences dans une vaste synthèse idéale. Et telle est la confiance que leur inspire cette façon de procéder, qu’ils ont bien l’air de tirer à peu près la métaphysique de la physique, et qu’ils se flattent ouvertement de faire sortir la science de l’âme de la science des corps. La raison ne leur répugne