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d’une chaleur accablante, où l’on respire avec peine, bien que l’air y soit quelquefois assez pur. Les excavations dont il faut le plus se défier sont celles dont la température est la plus basse, car presque toujours le fond en est rempli par une couche d’acide carbonique, et il est rare qu’on n’y trouve pas quelque animal asphyxié. L’acide carbonique se dégage également avec une grande abondance en beaucoup de points où la température est fort élevée, mais alors il est toujours accompagné d’hydrogène sulfuré dont l’odeur fétide avertit du danger. Ce dernier gaz, se décomposant au contact de l’air, dépose en outre des cristaux de soufre qui forment une auréole jaunâtre facile à apercevoir autour du lieu du dégagement. Il est probable que le soufre que l’on trouve dans certains terrains de l’île provient de la décomposition séculaire des vapeurs suif hydriques traversant un sol poreux où pénétrait l’air extérieur. Quoi qu’il en soit, le soufre est en très grande abondance à Milo, et a donné lieu dès l’antiquité à une industrie active.

Il est impossible de dire quels indices guidaient les anciens dans leurs recherches ; ce qui est certain, c’est qu’ils y ont fait preuve d’une perspicacité merveilleuse. Aujourd’hui encore, lorsqu’on ouvre une carrière, ou est à peu près sûr que l’opération sera fructueuse quand on trouve quelque galerie creusée par eux, et toujours on fait un travail ruineux dans le cas contraire. Les deux principales carrières de soufre, celle de Stakistra et celle de Firlingo, l’une à l’est, l’autre à l’ouest du mont Kalamo, portent ainsi la trace de leurs travaux. Toutes les deux sont ouvertes sur le bord de la mer, dans de hautes falaises, d’un trachyte tellement altéré qu’il est presque méconnaissable. Il a perdu sa couleur foncée et sa texture cristalline ; il s’est désagrégé et transformé en une matière poreuse d’une blancheur telle que, quand les rayons du soleil l’éclairent directement, on a peine à en supporter l’éclat. Les anciens avaient attaqué ces falaises par des galeries couvertes ; les modernes, qui ont depuis quelques années seulement repris l’exploitation, ont été obligés, faute de madriers pour les écha- faudages et les étais, d’adopter le procédé plus imparfait des galeries à ciel ouvert. On creuse encore aujourd’hui quelques rares conduits souterrains pour sonder le sol, mais ces galeries sont toujours fort peu profondes.

À Firlingo par exemple, la plus étendue n’a guère que 50 mètres de longueur. Au fond, la température est de 40 degrés. Le soufre imprègne toutes les parties de la roche, et y forme souvent des veines jaunâtres ou de petits amas cristallins. Pour l’en extraire, on entasse régulièrement les blocs tirés de la carrière dans des espèces de cuves en maçonnerie découvertes par le haut, en ayant soin qu’il reste entre eux des intervalles pour le passage de l’air ; puis on met le feu à chacun de ces tas. Une partie du soufre brûle, le reste entre en fusion et coule au fond de la cuve, dont le sol est incliné. Au bas de la partie déclive se trouve un trou qu’on débouche à la fin de l’opération, et par lequel la matière fondue s’écoule au