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dehors dans des moules. Dans ce mode de traitement, une partie notable du soufre se trouve brûlée et par conséquent perdue ; mais la rareté du bois et la cherté de la houille empêchent d’employer tout autre moyen. Dans les soufrières de Sicile, et pour la même raison, en emploie la même méthode.

Les anciens opéraient dans d’autres conditions, car autrefois l’île de Milo paraît avoir été très boisée ; aussi le procédé qu’ils employaient pour l’extraction du soufre était-il tout différent. Ils chargeaient la roche brute dans de grands vases de terre cuite placés dans l’intérieur d’un fourneau et communiquant par la partie supérieure avec d’autres vases de même forme disposés au dehors sur une ligne parallèle. Le fourneau était chauffé au bois. Le soufre fondu et volatilisé dans les vases de l’intérieur allait se condenser dans ceux qui étaient rangés extérieurement. C’est au pied même du mont Kalamo, vers l’est, que se trouve le lieu de la principale exploitation de soufre entreprise dans l’antiquité. Il existe là un vaste espace circulaire bordé par une enceinte de collines, au milieu duquel s’élève une série de monticules isolés, séparés par des gorges étroites et profondes. Or ces monticules ne sont pas autre chose que des amas de résidus de l’extraction du soufre. On y voit à chaque pas des fragmens de poterie et des débris très reconnaissables des vases dans lesquels on faisait cette opération ; L’abondance de ces débris donne une haute idée du commerce étendu et de l’industrie des anciens habitans de Milo.

On peut dire d’une façon générale que toutes les falaises qui bordent la côte orientale de l’île forment une suite à peine interrompue de gisemens de soufre, dont la plupart sont délaissés. Près du rivage, en un grand nombre de points, la température de la mer s’élève jusqu’à 70 et 80 degrés, et l’eau est troublée et blanchie par la décomposition de l’acide sulfhydrique. Des meulières semblables à celles de Kalamo se montrent également sur cette plage accidentée. Ici elles constituent un cap qui s’avance comme une sorte de môle au-devant du petit port d’Apollonia, là elles se dressent sur les flancs d’un ravin sinueux qui s’allonge perpendiculairement au rivage. Celles-ci sont l’objet d’une exploitation importante. De chaque côté du défilé s’ouvrent des galeries profondes qui aboutissent à de vastes chambres creusées dans la roche. Les blocs, rompus et détachés à l’aide de la mine, sont taillés sur place, puis embarqués et transportés dans tous les pays qui avoisinent la Méditerranée et la Mer-Noire. Enfin le trachyte parfaitement inaltéré apparaît encore en quelques points. Près du ravin des meulières, plusieurs sommets élevés sont composés d’un trachyte grisâtre qui, sort du sein de la terre à l’état de fusion, a subi un retrait considérable, s’est fendillé en passant à l’état solide, et se montre aujourd’hui divisé en minces feuillets comme une roche schisteuse d’origine sédimentaire. Un peu plus loin, à la pointe nord-est de l’île, la même roche, par l’effet d’une cause semblable, se présente sous l’apparence de prismes étroits, très allongés, serrés les uns contre les autres comme les tuyaux d’un jeu d’orgue. Ces