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vernement français s’engagerait à le priver de son siège. L’empereur devait en outre promettre qu’il aurait égard aux réclamations du saint-père relatives aux décrets du vice-président Melzi, décrets qui avaient, au dire du Vatican, violé le concordat italien. Il était stipulé que la demande officielle à adresser au saint-père pour le prier de venir à Paris ne serait point envoyée à Rome par un courrier ordinaire, mais lui serait apportée par deux évêques chargés de cette mission[1].

« Quant à la manière dont sa sainteté sera reçue en France, l’humilité du saint-père souffre à l’idée de réclamer des honneurs, mais c’est le vicaire de Jésus-Christ et le chef de la religion qui y a droit... Il faudra donc que la cérémonie du sacre et du couronnement ne diffère en rien de ce qui s’est pratiqué en d’autres occasions[2]. » Le sincère accomplissement de toutes ces conditions pouvait seul, aux termes des dépêches du cardinal Consalvi, éviter le scandale et couper court aux reproches qu’il y aurait à attendre des contemporains et de la postérité, si, par un pareil déplacement et dans une telle occasion, le saint-père n’obtenait pas un avantage réel pour l’église. « Le bien de la religion, la tranquillité durable de la France et l’honneur même des deux personnages l’exigent pareillement, » disait en terminant le ministre du saint-siège[3].

Un instant Consalvi conçut presque l’espoir de pouvoir, sans trop de compromission, par des motifs uniquement tirés de sa conscience religieuse, dégager le saint-père des demi-engagemens qu’il venait de contracter en son nom. Tandis qu’il écrivait avec un visible embarras les dépêches dont nous venons d’indiquer l’esprit et la tendance, arrivait en effet à Rome le sénatus-consulte qui renfermait le texte du serment que le premier consul devait prêter au moment de son élévation à l’empire. Sur cette question du serment, le cardinal Consalvi s’exprime très catégoriquement. « Notre réponse affirmative allait partir, écrit-il au légat, quand est survenue cette formule du serment qui a soulevé toute la difficulté. On ne peut admettre le serment de respecter et de faire respecter les lois du concordat, ce qui n’est autre chose que de dire que l’on observera et fera observer les articles organiques. Respecter et faire respecter la liberté des cultes suppose l’engagement, non de tolérer et de permettre, mais de soutenir et de protéger, et s’étend

  1. Mémoires du cardinal Consalvi. — Dépêche chiffrée du cardinal Consalvi au cardinal Caprara, 5 juin 1804. — Idem, 6 juin 1804. — Idem, 7 juin 1804. — Note n° 1 jointe à la dépêche du 6 juin. — Lettre du cardinal Caprara à M. de Talleyrand, 25 juin 1804. — Dépêche du cardinal Fesch à l’empereur, 10 juin 1804.
  2. Note jointe à la dépêche du 6 juin 1804.
  3. Le cardinal Consalvi au cardinal Caprara, 6 juin 1804.