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dans la paix que dans la guerre, parce qu’on y accorde alors plus de place aux gens de conseil et de théorie que dans les temps d’action. Acceptons à peu près sans trop les discuter les derniers chiures du budget. Il est à croire que 4,500 personnes suffiraient amplement à tous les besoins d’une grande armée, d’autant plus qu’on remarque actuellement dans les cadres beaucoup d’officiers supérieurs en disponibilité ou même en réserve.

La force et le rôle des armes spéciales sont subordonnés aux combinaisons progressives de la stratégie. Avant que la balistique devînt le ressort principal des batailles, la cavalerie était l’élément essentiel des armées en raison de sa mobilité, de ses élans, de sa puissance de choc. Les hommes de pied, servant autour du cavalier, n’en étaient que les appoints. La mousqueterie, en prenant de l’importance, a condensé le bataillon, qui vomit le feu et abat le cheval à distance. La tactique a roulé dès lors sur le nombre de coups que le fantassin peut tirer jusqu’à ce que l’escadron lancé au galop tombe sur le carré.et l’enfonce. Par là s’est introduite une distinction entre la grosse cavalerie, destinée à rompre les lignes de l’ennemi par le choc pendant l’action, et la cavalerie légère, chargée d’éclairer l’armée en mouvement et d’achever la victoire en sabrant les phalanges rompues. A mesure que l’usage du projectile s’est perfectionné, la cavalerie, tenue à plus grande distance, a perdu de son efficacité. Représentez-vous d’une part un escadron pesamment armé et prenant le galop à 300 mètres, et d’autre part le fantassin du siècle dernier, avec son lourd fusil à pierre, tirant à peine trois coups par minute, avec une portée douteuse d’environ 300 pas : 1,000 hommes tireront 3 ou 4,000 coups avant que la cavalerie puisse les atteindre. Supposez à la place du vieux fusil à pierre un excellent fusil-carabine à piston, pouvant fournir plus de coups et portant aisément à 600 mètres : la cavalerie assaillante sera exposée à trois fois plus de balles, et elle ne peut plus déjà s’élancer que contre un carré fortement ébranlé par le canon ; mais imaginez la même infanterie munie des nouveaux fusils qui tirent douze coups et plus à la minute ! Il faudrait affronter un vrai déluge de balles pour franchir les 600 mètres ; ce serait tenter l’impossible. Ajoutez à cela que la cavalerie est paralysée d’autre façon par l’énorme portée des canons rayés. On est donc profondément ému des expériences dont l’Autriche a fait les frais à Solferino et à Sadowa. La cavalerie française, malgré les glorieux souvenirs qui plaident pour elle, finira par perdre sa cause. On augmentera peut-être les régimens dont l’extrême mobilité fait la force ; la grosse cavalerie sera profondément transformée et réduite. On parle de multiplier les corps de dragons destinés à combattre à