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pied et à cheval, en leur donnant un équipement plus conforme à ce double rôle : on leur ôterait surtout le casque à longue crinière et les bottes pesantes, fort embarrassantes pour le combat à pied. De ces inévitables remaniemens, déjà commencés par un décret du 15 novembre 1865, la cavalerie sortira fort amoindrie.

L’artillerie gagne en importance au contraire à mesure que la force brutale est dominée par la science et que la mécanique joue un rôle plus accentué. Pendant des siècles, le canon est massif, raide, d’un pointage incertain ; il est amené en position par des paysans de corvée qu’on arrache à la charrue et dont on prend au besoin les animaux, chevaux ou bœufs. La création des trains militaires spéciaux par le premier consul en 1800 est signalée par M. Thiers comme une lueur de génie. Pendant les guerres de l’empire, la portée efficace du canon ne dépasse pas 5 ou 600 mètres. Quoique infiniment plus mobile que par le passé, l’artillerie est loin d’avoir cette prestesse qui lui permettrait de se déployer ou de se concentrer rapidement selon les besoins de l’action ; son rôle est encore subordonné et accessoire : elle est annexée aux grandes masses pour en appuyer les mouvemens, et en définitive, sauf en quelques grandes journées que l’on cite, son effet est plus terrifiant que meurtrier. Sous la restauration, temps de recueillement et d’essais, on règle la spécialité du calibre, on inaugure l’artillerie montée au moyen de ces affûts souples et légers qui entraînent à la fois l’arme, les servans et les munitions. La recherche de l’agilité étant le problème à l’étude, on approche de plus en plus de la solution : l’emploi de l’acier allège la pièce sans lui ôter la solidité. Vient le canon rayé, qui fournit avec sûreté des portées de 1,500 et même 2,000 mètres : résultat inouï ! les anciennes combinaisons de la tactique en sont bouleversées. Hier seulement entre en scène le fusil à aiguille ; son succès, moins militaire que politique, frappe les imaginations, et on l’a proclamé le roi des batailles. Déjà l’on appelle de ce jugement. Il ne faut pas beaucoup d’instinct militaire pour sentir que les canons rayés, avec la mobilité qu’ils ne cessent d’acquérir, avec leur portée énorme et le privilège de foudroyer l’ennemi en manœuvrant hors d’atteinte, doivent un jour contre-balancer le fusil à aiguille, et que, si l’on parvient, comme il est probable, à précipiter les coups de ces canons en leur appropriant les nouveaux procédés de chargement par la culasse, ils joueront sur le champ de bataille un rôle dominateur. La tendance des hommes de guerre est donc en ce moment d’augmenter la force proportionnelle de l’artillerie de campagne en modifiant son matériel et sa manœuvre dans un sens de plus en plus favorable à une action distincte et indépendante.