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sous la main ? Cette foi nouvelle qu’on attend, qu’on espère, qu’on appelle à grands cris, elle est là, nous la possédons ; c’est le christianisme lui-même, toujours neuf, si nous savons comprendre ses éternelles clartés, si nous savons nous-mêmes être nouveaux. Ce n’est pas l’objet de la croyance qu’il faut renouveler, c’est la routine des croyans. Le christianisme au fond est aussi jeune qu’à son premier jour ; il n’a de vieux que ce qui n’est pas lui, cette rouille terrestre dont peu à peu l’ont revêtu ses interprètes, ses ministres, ses serviteurs de tous les temps. Il faut l’en délivrer, il faut lui rendre son aspect et sa vertu première. Comment faire ? User pour le rétablir des moyens qui jadis ont réussi à le fonder. Le parti est rude et violent. Pas de milieu pourtant : toute autre tentative serait illusoire et vaine. Rester dans les moyens termes, ménager les abus, flatter les habitudes, n’améliorer qu’à la surface, c’est faire du christianisme un de ces édifices qu’on soutient en les étayant et dont on bouche les lézardes : autant vaudrait le laisser choir. Pour lui rendre la vraie puissance, la vraie stabilité, pour qu’il puisse braver encore une longue série de siècles, il n’y a qu’un moyen, reprendre l’œuvre franchement à nouveau.

Que l’église s’arme donc de courage ; qu’elle recommence comme elle a commencé, aussi modestement et aussi saintement ; qu’elle soit chaste, austère, laborieuse, savante, intelligente et libre, sans goût pour les honneurs, sans souci des richesses, prodigue de ses peines, de son sang, de ses larmes, aussi indépendante, aussi fière vis-à-vis des puissans qu’indulgente et tendre pour les faibles, aussi étrangère aux superstitions, aux pratiques étroites, à tout vestige d’idolâtrie, qu’ardente et sincère dans sa foi ! Qu’elle s’avance ainsi armée, s’acheminant pas à pas, allant aux âmes, aux âmes seules, et le monde lui appartient une seconde fois. Ne craignez pas de mécomptes, les mêmes causes auront mêmes effets ; seulement hâtez-vous, ne perdez pas une heure, l’instant est solennel. Que ce cri : l’église recommence, ne soit pas un vain mot ; que les effets ne s’en fassent pas attendre. Ne croyez plus honorer Dieu en dressant pour lui dans les airs d’orgueilleuses coupoles, en le logeant dans des palais étincelans de marbre et d’or ; c’est à la crèche, c’est à la grotte de Bethléem qu’il faut convoquer les pasteurs. Que tous les vrais chrétiens, tous les fils de l’église le sachent bien et se le disent : c’est d’eux que tout dépend, c’est par eux que tout est possible, c’est sur eux que tout repose ; ils ont entre leurs mains non pas seulement le sort de leur chère et vénérée croyance, mais l’avenir du monde civilisé.


L. VITET.