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du signal de Montmartre vu des deux stations d’observation, on tracera les deux lignes qui représentent ces directions, et leur point de rencontre donnera la situation du signal. Supposons que la distance du Panthéon à l’arc de triomphe soit de 4,850 mètres et qu’elle soit représentée sur le papier par 485 millimètres. On mesure les deux autres côtés du triangle, et on trouve que l’un, celui qui représente la distance de l’arc de triomphe à Montmartre, est égal à 360, l’autre à 460 millimètres. On en conclura que sur le terrain la distance de la butte Montmartre à l’arc de triomphe de l’Étoile est de 3,600 mètres, et sa distance au Panthéon de 4,600 mètres.

Par cet exemple, on comprendra sans peine comment la mesure d’un triangle peut conduire à la connaissance de la position d’un point. Le triangle vous donne les distances qui séparent de deux points déjà connus le point cherché, et cela suffit pour qu’on puisse l’inscrire sur un plan où se trouvent marqués les deux autres points. La distance de la lune à la terre ne s’obtient pas autrement, et c’est ainsi que Lacaille l’a déterminée. Il avait observé la lune au cap de Bonne-Espérance pendant que Lalande l’observait à Berlin ; à ce moment, l’astre occupait donc le sommet d’un triangle dont la base était la distance de Berlin au Cap (environ 9,600 kilomètres) et dont les angles étaient donnés par la direction des lunettes. Avec cette base et ces angles, on pouvait calculer les distances qui séparaient la lune de l’observatoire de Berlin et de celui du Cap au moment où ces mesures furent effectuées, puis ensuite en déduire la distance moyenne de cet astre au centre de la terre ; on la trouva égale à 384,000 kilomètres ou à environ quarante fois la longueur de la base. L’éloignement des étoiles, si grand qu’il soit, se détermine encore de la même façon. L’astronome qui veut mesurer la distance d’une étoile fixe choisit d’abord sa base d’opération : c’est le diamètre qui joint deux points opposés de l’orbite terrestre. La base a 300 millions de kilomètres : c’est bien peu pour le but qu’il s’agit d’atteindre, mais malheureusement l’on ne peut aller au-delà. Quand la terre est arrivée à la première des deux stations choisies, l’étoile est observée une première fois ; puis, lorsqu’au bout de six mois la seconde station a été atteinte, on pointe de nouveau la lunette sur la même étoile, et le triangle se ferme ; on a la base, les angles, on peut calculer la distance du sommet qui est occupé par l’étoile. Généralement on ne trouve rien. Rien ou l’infini, c’est ici la même chose : on cherche une distance exprimable en chiffres, on rencontre l’infini, qui est en quelque sorte la négation de la distance. C’est que la plupart des étoiles sont beaucoup trop loin de nous pour qu’une différence de 300 millions de kilomètres dans