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le terme fixé; mais il fut hors d’état de compter aux soldats de Charles-Quint les 250,000 ducats qu’il s’était engagé à leur remettre deux mois après la capitulation du 6 juin, et il resta exposé aux menaces d’une armée qui n’obéissait plus à personne. Le prince d’Orange, à qui la prise de Rome aurait pu donner quelque autorité sur elle, avait été obligé d’en abandonner le commandement. Le marquis del Guasto, don Ugo de Moncada et Alarcon s’étaient concertés pour le lui enlever et le placer aux mains du vice-roi de Naples Lannoy. S’étant retiré furieux à Sienne, où il se faisait guérir d’un coup d’arquebuse reçu devant le château Saint-Ange et qui lui avait traversé le visage[1], le prince d’Orange avait de là écrit à l’empereur pour lui dénoncer les menées jalouses des chefs espagnols et réclamer au plus tôt ses ordres souverains[2]. Lannoy, rentré dans Rome, s’était mis, sans pouvoir y rester, à la tête de l’armée, dont l’accueil menaçant et les volontés hostiles l’avaient contraint de partir assez vite pour le royaume de Naples. En s’y rendant, il s’était arrêté à Averse, où il succomba le 23 septembre à la maladie pestilentielle qui régnait dans Rome et qu’il en avait rapportée.

Cette terrible maladie avait réduit l’armée de plus de moitié. Sortant de la ville dévastée et empestée, les Espagnols et les Allemands s’étaient répandus dans les lieux environnans, qu’ils avaient ravagés. Ils étaient ensuite revenus dans Rome, et ils avaient réclamé plus impérieusement que jamais l’argent qui leur était dû. A la suite d’une de leurs délibérations les plus tumultueuses, ils avaient tiré du château Saint-Ange les otages pontificaux, au grand désespoir de Clément VII, qui ne les avait pas vus partir sans éprouver de grandes craintes et sans verser des larmes[3]. Les soldats les avaient conduits dans le Campo di Fiore, où ils les avaient en-

  1. « Un calpo de schioppo che in li di passati recevai in la facie che mi passo la testa de l’un canto a l’altro, intorno le trincée del castello. » Lettre du prince d’Orange à l’empereur, du 21 juin. — Archives impériales et royales de Vienne.
  2. « Sire, vous veus bien escripre cestes pour vous fere savoir le mauvais et infame trestement que l’on m’a faict. » Il disait que c’était lui qui avait pris Rome, empêché l’armée de la ligue de secourir le pape, demeuré prisonnier de l’empereur avec tous les cardinaux. Il ajoutait fièrement que, s’il n’avait pas considéré le service de l’empereur, il était en son pouvoir de tout brouiller et de rester le maître. Il demandait à l’empereur de lui donner le gouvernement du duché de Milan, comme l’avait eu le duc de Bourbon, avec le titre de capitaine-général de son armée. — Lettre du prince d’Orange à l’empereur, écrite de Nepi le 22 juillet 1527. — Ibid.
  3. « Al sacarlos de poder de su santitat y de los cardinales de la sala donde stavan, huvo tantos llantos y grita que parecie que se hundie el mundo, diziendo su santitat que queria tanbien yr en poder de los Alemanes, y los cardinales dezian lo mismo. » — Dépêche de Ferez à l’empereur, écrite de Rome le 12 octobre 1527. — Mss. Béthune, vol. 8547, f° 21.