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Hare-Hill (colline du lièvre) un bloc erratique de micaschiste pesant 10,000 kilog., et originaire de la partie des Grampians voisine des lacs Earn ou Venachers, éloignés de 80 kilomètres du gisement actuel[1].

Les glaciers ont laissé en Écosse une autre trace de leur passage qui depuis longtemps avait frappé l’imagination du peuple et excité l’étonnement des savans. Dans l’Écosse occidentale, non loin du Ben Nevis, le sommet le plus élevé des Grampians, et de l’embouchure du canal calédonien qui unit la Mer du Nord à l’Océan-Atlantique, se trouve la vallée de la Roy (Glen-Roy). Sur presque toute sa longueur, c’est-à-dire sur un parcours de 16 kilomètres, on peut suivre sur ses contre-forts trois terrasses ou banquettes parallèles rigoureusement horizontales et se correspondant parfaitement des deux côtés de la vallée. De loin, elles sont très visibles; de près, on trouve une surface caillouteuse de 3 à 18 mètres de large, et dont la pente est moins raide que celle de la montagne qui la porte. La plus basse de ces terrasses est à 225 mètres au-dessus du niveau de la mer, la seconde à 63 mètres plus haut, la troisième à. 25 mètres au-dessus de la seconde. Toutes aboutissent vers l’extrémité de la vallée au col qui la sépare de la suivante.

Aux yeux des montagnards écossais, ces terrasses étaient des routes de chasse tracées par Fin gai pour poursuivre plus aisément avec ses compagnons les daims et les cerfs. Cette explication satisfaisait leur imagination; les savans, qui en ont moins, ne s’en contentèrent pas, et successivement le Dr Macculoch, sir Thomas Lauderdick, Charles Darwin, mesurèrent, nivelèrent et décrivirent ces terrasses, qu’ils désignaient sous le nom de parallel ronds, routes parallèles. Peines inutiles, aucune de leurs interprétations n’était satisfaisante. Ces terrasses étaient évidemment d’anciens rivages de lacs écoulés; mais comment expliquer l’existence de ces niveaux successifs? L’absence totale de coquilles, l’intégrité de ces banquettes, la présence de petits deltas bien dessinés, excluaient l’idée qu’elles représentassent d’anciens rivages de la mer formés aux époques de subsidence de l’Écosse et émergés depuis. En 1840, Buckland et Agassiz visitèrent Glen-Roy, et reconnurent que des barrages temporaires pouvaient seuls rendre compte de ces singulières lignes de niveau. Les glaciers venant successivement fermer l’une ou l’autre issue de la vallée, le ruisseau qui la parcourt formait un lac qui s’écoulait par le col auquel la terrasse aboutit. Agassiz reconnut les roches polies et striées et les anciennes moraines qu’il avait appris à distinguer dans les Alpes, et depuis M. Jamieson a

  1. Voyez sur ce sujet Ch. Maclaren, Geology of Fife, 1839, — On grooved and striated rocks in the middle region of Scottland, 1 849, — et Ch. Martins, On the marks of glacial action on the rocks in the environs of Edinburgh, 1851.