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ces indocilités de l’esprit de races sont moins graves probablement sur les points où elles se produisent, que lorsqu’elles éclataient au foyer de la Hongrie ; mais elles seront longtemps l’infirmité du gouvernement viennois. Depuis Charles-Quint, la maison d’Autriche a poursuivi des erremens dont elle est aujourd’hui victime. Elle n’a jamais su fondre dans un seul peuple des races diverses, même après les avoir entraînées pendant des siècles dans son orbite, elle n’a jamais su s’identifier à une nationalité douée de la puissance d’assimilation. Peut-être la liberté, à notre époque, a-t-elle seule la vertu d’associer autour d’un grand intérêt commun des races diverses ; seulement, pour posséder cette influence, la liberté ne doit être altérée par aucune ruse d’ambition et de domination : il faut se fier à elle avec sincérité ; ce n’est que par la sincérité libérale que la politique autrichienne peut devenir capable de régénération.

La situation de l’Italie demeure obscure et douteuse tant que la nouvelle chambre ne sera point sortie de l’épreuve prochaine des élections générales. Sur ce fond terne et incertain, Garibaldi brode en ce moment un de ces épisodes avec lesquels il a le don d’occuper et d’échauffer l’imagination populaire. Il est à Venise ; quel dessein l’a conduit là ? Veut-il ranimer par sa présence les populations qui sont rentrées les dernières dans la famille italienne et qui passent pour être les moins heureuses ? Veut-il, par une démarche qui attire les regards de ses concitoyens, accroître les chances électorales de l’opposition avancée qui avait mis en minorité le cabinet Ricasoli ? Cet homme qui a en lui du Pierre l’ermite prépare-t-il une croisade contre les musulmans au profit des Grecs, et vient-il chercher sur l’Adriatique le point de départ d’une aventure orientale ? Les mouvemens de Garibaldi seront peu inquiétans pour le gouvernement italien, si ce gouvernement sait dégager ses plans financiers de ses plans d’organisation du temporel des cultes, s’il a le courage d’augmenter ses ressources par des impôts et des économies radicales réalisées dans le budget de la guerre, s’il préfère les opérations sérieuses de finances aux expédiens hasardeux, si, avant de recourir à l’emprunt, il se montre capable de réduire les charges du trésor et d’accroître les revenus publics.

M. Disraeli n’est point un ministre fortuné ; il a la mauvaise veine des esprits éclairés qui entreprennent de diriger les partis conservateurs. Le chancelier de l’échiquier, tous les témoins impartiaux le reconnaîtront, était obligé de présenter dans la session actuelle du parlement un bill de réforme. La question de la réforme ne peut plus demeurer en suspens. Il faut que l’Angleterre se délivre de l’obsession de ce problème, qui trouble toutes les situations, empêche la constitution naturelle des partis et rend impossible l’établissement d’un ministère fort et durable. M. Gladstone et les libéraux, n’ayant pu en réaliser la solution dans la chambre, ont dû quitter le pouvoir, et la lourde tâche s’est trouvée naturellement placée sur les épaules de M. Disraeli et des tories. M. Disraeli est regardé par