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les Anglais comme un des hommes qui connaissent le mieux l’esprit et les complexités du système électoral de son pays et qui seraient les plus compétens pour faire une bonne loi d’élections. Il est évident d’ailleurs que dans les idées anglaises, fort éloignées de l’absolu, une loi électorale n’est bonne que si elle répond assez largement aux vœux actuels de l’opinion pour qu’on soit raisonnablement fondé à espérer qu’on aura la paix sur la question pendant une période de vingt ou trente ans. C’est dans cette idée que le seulement doit être combiné, et l’opinion dominante en ce moment est qu’on ne peut arriver à un résultat satisfaisant qu’en augmentant le nombre des électeurs et en ouvrant surtout la franchise à la portion la plus intelligente de la classe ouvrière. Les données du problème sont si complexes qu’il est évident que l’on ne peut le résoudre que par une transaction désintéressée accomplie entre les opinions libérales et modérées au sein de la chambre. Faire de la réforme électorale une question de cabinet, c’est rendre le règlement prochain de la question impossible, c’est condamner le gouvernement, le parlement, le pays à des ébranlemens funestes. Ces idées semblent avoir dominé l’esprit de M. Disraeli; malheureusement les préjugés et l’entêtement de son parti ne lui ont point permis de proposer au parlement une procédure assez directe et une base de transaction assez large. M. Disraeli a voulu commencer par avoir l’adhésion du parlement aux principes généraux d’une loi destinée à étendre le droit de suffrage. La série de résolutions où il a formulé ces principes a impatienté l’opinion publique comme une manœuvre dilatoire ou comme une réunion oiseuse de propositions abstraites. La mauvaise humeur a éclaté davantage encore quand M. Disraeli est venu exposer et définir par des chiffres les conséquences pratiques que le ministère tory attachait à ces résolutions. Le nombre des électeurs devait bien être augmenté de 400,000 ; mais le ministère tory n’arrivait à ce chiffre que par des catégories triées arbitrairement çà et là dans l’édifice électoral et non par une définition simple et uniforme devant donner à la mesure une signification populaire. M. Disraeli avait fait trop de concessions à l’esprit étroit et timide du torysme. De toutes parts on lui a demandé de renoncer à son système temporisateur et vague de résolutions, et de présenter tout de suite un bill définitif. Le ministère s’est rendu à ces réclamations qu’il eût bien fait de prévenir par une politique plus nette et plus décidée. Il semble entendu d’avance dans les rangs modérés du parti libéral que, pour peu que le bill ministériel s’y prête, et pourvu que les ministres ne posent point eux-mêmes de question de cabinet, on travaillera sincèrement à l’amélioration du bill, on s’efforcera d’assurer par une transaction honorable une solution qui serait l’œuvre collective de la chambre des communes et non le motif et le résultat d’un triomphe de parti. Tel est le sens des conseils sensés et patriotiques que M. Gladstone a donnés à une réunion nombreuse des membres libéraux de la chambre.