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salés par des plages sablonneuses. Les golfes où débouchent de grands fleuves sont au contraire graduellement comblés par les alluvions dans les parties les plus éloignées de l’océan et se changent peu à peu en estuaires. Enfin beaucoup de rivages, entre autres ceux de l’Islande orientale, offrent à côté les uns des autres un grand nombre de fiords qui se rétrécissent à la fois en amont et en aval par les apports de la mer et ceux des ruisseaux de l’intérieur.

Quelle que soit la diversité des moyens employés par la nature pour combler les anciennes baies glaciaires, le travail ne s’en accomplit pas moins en son temps, et l’on constate en effet que des régions tempérées à la zone équatoriale les courbes des rivages ont une régularité croissante. Aux innombrables ports qui pénètrent dans l’intérieur des terres septentrionales succèdent au midi des rivages maritimes de plus en plus inhospitaliers à cause du manque d’indentations où puissent se réfugier les navires, et, sur les côtes de la zone torride privées d’embouchures fluviales, c’est par centaines de lieues que les vaisseaux doivent longer les terres avant de trouver un abri. Ce sont les trois continens méridionaux, l’Amérique du Sud, l’Afrique et l’Australie, qui offrent sur leur pourtour le développement de côtes le plus uniforme et le plus dépourvu de baies.

Si l’on peut à bon droit considérer chaque glacier comme un thermomètre naturel indiquant par ses progrès et ses reculs tous les changemens de la température locale, de même on peut voir dans l’ensemble des rivages, des fiords du Groenland et de la Norvège aux longues plages de l’Afrique équatoriale, comme une représentation visible des changemens de température qui ont eu lieu à la surface du globe depuis la période glaciaire. Que par de longues et patientes études on parvienne à mesurer le temps qu’il faut aux alluvions de la mer et des fleuves pour modifier ainsi la forme des vallées jadis remplies par les glaces, et l’on pourra fixer la durée des âges modernes qui ont succédé à la période antérieure de la terre. Ce terme vague d’époque ou de période qui, suivant les divers géologues, se compose de milliers ou de millions d’années, prendra, du moins pour les temps rapprochés de nous, un sens plus précis et se rangera comme les siècles dans la chronologie des hommes.


ELISEE RECLUS.


L. BULOZ.