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eût contraints de battre promptement en retraite. Un de ces misérables, que le repentir d’une pareille entreprise força de s’expatrier, déclara depuis lors que le chevalier d’Egvilly était à leur tête, et que nul autre n’avait ostensiblement trempé dans cette lâche embuscade.

D’autres tentatives du même ordre échouèrent successivement sans que ces insuccès réitérés apaisassent la haine acharnée de nos trois complices. M. de Fresne, réduit à se prémunir contre de mortelles embûches, mais ne soupçonnant que son frère cadet, fit ses plaintes aux maréchaux de France, et obtint que le chevalier fût mis à la Bastille. Sa captivité ne dura guère, le président et d’Egvilly s’étant hâtés de le faire évader sous un habit de laquais. Il en fut de même un peu plus tard, lorsque, sous prévention de tentative d’assassinat, on l’eut repris et logé au Grand-Châtelet. M. de Novion, sans se montrer, parvint à faire annuler la procédure, et le chevalier, regardant son impunité comme assurée par de si puissantes protections, hasarda une nouvelle partie où il jouait, il est vrai, le tout pour le tout, mais dont la témérité même rendait le succès presque infaillible.

Le marquis, retiré à Fresne pour plus de sûreté, chassait à peu près tous les matins dans son vaste parc, et, comptant sur la surveillance habituelle dont cette enceinte close était l’objet, il ne se faisait pas toujours accompagner. Trois hommes, bien informés de ce dernier détail, franchirent une nuit la muraille du parc et vinrent s’embusquer dans un épais taillis qui les dérobait aux regards. C’était, avec le chevalier, un valet de chambre nommé Lacour et un laquais choisi tout exprès dans la plus vile racaille des faubourgs parisiens. Chacun était muni d’un fusil à deux coups et d’un pistolet. Le hasard les servit à souhait, car M. de Fresne, sorti vers neuf heures pour chasser en compagnie de deux de ses gens, renvoya ceux-ci peu après, et, les ayant quittés, se dirigea justement du côté du petit bois où ses meurtriers le guettaient. Il venait de tirer un lapin et rechargeait à loisir son fusil, quand il vit paraître son frère, l’arme à l’épaule et suivi de ses deux acolytes. — Cette fois, point de quartier! — lui cria ce misérable. M. de Fresne, qui n’avait rechargé qu’à moitié, se hâta de glisser deux balles dans le canon de son arme et d’appeler ses gens, qui, par bonheur, ne se trouvaient pas encore tout à fait hors de portée. Ils accoururent à son aide, mais avant qu’ils pussent arriver, sourd aux paroles de paix qui lui étaient adressées par son malheureux frère, le chevalier avait fait feu... M. de Fresne fut frappé de deux balles dont l’une le blessa légèrement au côté, tandis que l’autre perçait seulement son justaucorps. Le voyant encore debout et résolu d’en finir