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Ugo de Pepoli, qui avait succédé à Orazio Baglioni, tué dans la rencontre du 20 juin avec les impériaux, avait été transporté mourant à Capoue. Ce qui survivait de la pesante cavalerie des hommes d’armes, fort peu utile dans un siège, avait été dispersé dans les villes voisines qui étaient encore occupées par les Français ; Lautrec le rappela. Les capitaines demeurés debout autour de lui, le comte Guido Rangone, le marquis de Saluées, Pedro Navarro, sans quitter le camp, se ressentaient de la maladie, dont il fut atteint plus dangereusement lui-même, et qui abattit ses forces sans faire fléchir ses volontés. Ce chef malheureux d’une armée en dissolution, manquant de prudence devant Naples après avoir manqué de résolution devant Troja, s’obstinait à rester dans un camp que la mort rendait de plus en plus désert. D’assiégeant qu’il était, il y devint assiégé[1].

Les impériaux, instruits de son affaiblissement et de sa détresse, firent des sorties qui ne furent plus repoussées ni même entravées. Ils poussèrent leurs courses jusqu’aux villes que les Français occupaient en arrière de leur camp et autour de Naples. Sortant en force par la porte de Nola et par la porte de Capoue, ils traversaient la vallée à l’est de Naples entre les retranchemens des Français et les dernières pentes du Vésuve, se jetaient sur Somma, qu’ils saccagèrent deux fois, — étendaient leurs expéditions vers Nola, Acerra, Aversa, atteignaient même les environs de Capoue, sur le Vulturne, et retournaient avec des vivres. Ils coupaient aussi les routes par lesquelles on en pouvait conduire au camp, où Lautrec, accablé par le mal, succomba dans la nuit du 16 au 17 août.

Après sa mort, le marquis de Saluées prit le commandement de l’armée presque anéantie. Elle était réduite des trois quarts. Il y restait à peine sept mille hommes de pied dont quatre seulement en état de combattre, et les hommes d’armes étaient réduits à moins de deux cents[2]. Le prince d’Orange assiégea ces tristes débris dans leurs retranchemens, trop forts pour être pris aisément, trop étendus pour n’être pas difficiles à garder. Il les inquiéta de jour et de nuit par d’incessantes agressions. Après les avoir accablés de privations et de fatigues, les croyant dans l’impuissance de résister, il se disposa à leur donner l’assaut ; mais les Français ne l’attendirent point. Ils projetèrent d’évacuer leurs retranche-

  1. « Erano più obsesse nel campo loro che non erano stati noi in Napoli. » Lettre du prince d’Orange à Charles-Quint, du 9 septembre 1528, — Archives impériales et royales de Vienne.
  2. « Environ la fin de juillet, la mortalité se renforça tellement dans notre camp devant Naples, qu’en moins de trente jours de vingt-cinq mille hommes de pied n’en demeura pas quatre mille qui pussent mettre la main aux armes, et de huit cents hommes d’armes n’en demoura pas cent. » Mémoires de Du Bellay, t. XVIII, p. 74.