Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mens avant d’y être surpris. Les compagnies italiennes et gasconnes, qui restaient encore dans le petit camp rapproché du mont San-Martino, devaient se replier sur le grand camp, qui couronnait les hauteurs, et ne le purent point. N’ayant ni mangé ni bu depuis plusieurs jours, elles furent obligées de se rendre au prince d’Orange, qui s’était placé entre les deux camps et leur fermait le passage[1].

Dans la nuit même du 28 août, les troupes du grand camp se mirent en marche pour se retirer à Aversa, ville située à huit milles de Naples. Le marquis de Saluées et le comte Guido Rangone conduisaient les premiers corps, et Pedro Navarro fut mis à l’arrière-garde avec des Suisses et des lansquenets, que devaient soutenir les restes des hommes d’armes sous les capitaines Pomperant, Negrepelisse et Camille Trivulzi. Ils laissèrent dans le camp abandonné leur artillerie, leurs munitions, leurs bagages, leurs malades, pour opérer plus vite une retraite qui se fit avec la précipitation d’une fuite. Quoiqu’ils eussent de l’avance, ils furent atteints par les impériaux, qui se mirent à leur poursuite, attaquèrent leur arrière-garde, et la prirent presque tout entière. Le vieux comte Pedro Navarro et le jeune prince de Navarre tombèrent entre leurs mains. Le marquis de Saluées et Guido Rangone arrivèrent à Aversa, où ils s’enfermèrent avec le peu de soldats qui avaient pu traverser le siège, survivre à la peste, échapper à la déroute.

Sans perdre de temps, le prince d’Orange vint les y assiéger. Il dressa ses batteries contre les murailles d’Aversa, y fit brèche et obligea le marquis de Saluées, qui eut le genou brisé d’un coup de feu, et qui ne pouvait plus se défendre dans une ville ouverte et avec des soldats abattus, à capituler. Par cette capitulation, le marquis de Saluées et le comte Guido Rangone restèrent prisonniers, et les troupes désarmées durent retourner dans leur pays, avec promesse de ne plus servir de longtemps contre l’empereur. Le marquis, blessé et captif, après avoir combattu près de trois ans pour la France avec un généreux courage, fut conduit en litière à Naples, où il succomba bientôt et où mourut aussi Pedro Navarro, qui avait été pendant quinze années un serviteur également fidèle et habile de Louis XII et de François Ier.

La puissante armée avec laquelle Lautrec était descendu un an et demi auparavant en Italie, qui avait pris tant de villes au nord de cette péninsule disputée, qui l’avait traversée victorieusement dans presque toute sa longueur, qui avait poussé la conquête du

  1. Lettre du prince d’Orange à Charles-Quint, du 9 septembre 1528. — Archives impériales et royales de Vienne.