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taire des Barres de les porter ainsi modifiées en Espagne après s’être assurés d’une complète adhésion en France[1].

Les deux envoyés de l’archiduchesse se rendirent à Paris, où vinrent du château de Saint-Germain François Ier et la duchesse d’Angoulême pour conférer mystérieusement avec eux. Ce ne fut pas sans peine que les bases de la négociation arrêtées en Belgique furent admises par la régente, qui essaya vainement de rétablir celles qu’elle avait d’abord posées. Il fallut ou s’y soumettre ou renoncer à toute tentative d’accord. Elle les accepta donc, et le soir même, ayant appelé fort secrètement dans sa chambre Rosimbos et des Barres, elle les entretint du désir ardent qu’elle avait de réconcilier les deux princes et les pressa d’aller au plus vite remplir leur bon office auprès de l’empereur.

Rosimbos et des Barres partirent aussitôt pour l’Espagne. En même temps qu’ils portaient à Charles-Quint les propositions convenues des deux parts, l’archiduchesse, sa tante, l’engageait vivement à les adopter. Elle lui disait qu’il mettrait ainsi la paix dans la chrétienté, qu’il assurerait contre le Turc les états menacés du roi Ferdinand son frère, qu’il affaiblirait le roi de France, qui, ayant perdu tant d’hommes et donné tant d’argent, n’aurait de longtemps le pouvoir ni le vouloir de recommencer la guerre, qu’il recevrait fort à propos les 1,200,000 écus d’or pour son voyage d’Italie, où il serait escorté par les navires mêmes de François Ier et où il aurait les Vénitiens, les Florentins, le duc Sforza et le pape Clément VII à sa discrétion, qu’il lui serait aisé, ayant mis l’Italie sous sa main, de réformer les hérésies en Allemagne, d’y ramener l’église et l’empire à leur ancien état, enfin que, recherché et prié par son ennemi après en avoir été menacé et injurié, il le priverait de tous les alliés qui l’avaient jusque-là servi et avec lesquels il traiterait lui-même à son gré.

Charles-Quint se livrait en ce moment et avec une ardeur souvent contrariée[2] aux préparatifs de l’expédition à la fais militaire et politique que dès longtemps il projetait de faire en Italie. Il voulait paraître sur ce théâtre où s’accomplissaient depuis tant d’années de grands événemens à son profit par l’habileté de ses généraux et la victoire de ses armées. Il avait l’ambition d’être dans ses prospérités pour plus qu’il n’avait été jusque-là. Il s’était montré politique, il aspirait à se montrer guerrier, et d’empereur élu il sou-

  1. Lettre de Rosimbos et de Guillaume des Barres à l’empereur, du 31 décembre 1528. — Dans Leglay, Négociations entre l’Autriche et la France, vol. II, p. 676 à 691.
  2. Lettres de Charles-Quint au sieur de Montfort, envoyé en Flandre et en Allemagne auprès de l’archiduchesse Marguerite et du roi de Hongrie Ferdinand, du 9 novembre et du 23 décembre 1528. — Papiers d’état du cardinal de Granvelle, vol. Ier, p. 439 à 444.