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que tous les décrets de la convention; mais ce n’était qu’une chimère. Quelques milliers de conscrits à verser dans les cadres qui revenaient d’Espagne, ou conduits par des officiers en réforme, voilà tout ce que put donner la nation. Par l’abus qu’il avait fait de toutes les institutions militaires, Napoléon en avait brisé les ressorts, il les avait frappées de stérilité; ce n’étaient plus que des machines qui n’agissaient pas ou qui s’agitaient dans le vide. Les corps d’armée n’étaient que de faibles divisions; les forteresses essentielles n’étaient ni réparées ni pourvues ; pas un ouvrage autour de Paris; nulle place de manœuvres créée; rien ou presque à Laon, à Soissons, à Langres, à Lyon; presque plus de fusils! et ceux à qui on donnait le peu d’armes qui restaient ne savaient pas les charger !

C’est en rase campagne, avec 60 ou 70,000 héros harassés de fatigue ou à peine arrivés à la virilité, que l’empereur, en 1814, ralentit pendant trois mois la marche des 300,000 soldats d’élite que l’Europe poussait sur la France épuisée. Lorsqu’il revint de l’île d’Elbe en 1815, il trouva sous sa main un personnel militaire bien autrement nombreux et bien autrement constitué. Le retour des prisonniers et des garnisons lointaines avait ramené dans nos rangs beaucoup d’hommes aguerris, et sauf le funeste changement de cocarde, sauf la malheureuse création de « la maison du roi, » l’ensemble des mesures prises par la première restauration à l’égard de l’armée était digne d’éloges : point de licenciement, la vieille garde conservée; les régimens de ligne refondus sous de nouveaux numéros, mais reformés avec soin; ceux d’infanterie au nombre de 105 à 3 bataillons, 56 de cavalerie, 15 d’artillerie, donnant, y compris les semestriers, un effectif de 230,000 bons soldats, bien encadrés. En recherchant les hommes qui avaient quitté le drapeau sans congé régulier, en demandant un contingent à la conscription, en faisant à la garde nationale un appel qui semblait plus d’accord avec les dispositions de l’acte additionnel qu’avec la conduite passée et les allures actuelles du souverain. Napoléon comptait arriver au chiffre de 800,000 combattans. Cependant, malgré sa prodigieuse activité, son esprit aussi ingénieux que profond, ses habitudes impérieuses, il ne put en trois mois atteindre l’effectif de 300,000 hommes. Il en réunit 124,000 pour entrer en Belgique, troupes superbes, excellentes et bien commandées. On ne saurait imaginer un chef d’état-major plus complet que le maréchal Soult; qui pouvait mieux mener un gros corps d’infanterie que Gérard, Lobau ou Reille? Que ne devait-on pas attendre d’une cavalerie conduite par Pajol, Kellermann, Excelmans, Miihaud? Et pour entraîner tout le monde, le « brave des braves » était auprès de l’empereur.