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accommodement, et qu’il s’agissait cette fois d’une épreuve à tenter dans le domaine de la peinture elle-même.

En quittant sa ville natale pour Toulouse, où son père l’avait conduit dans le courant de 1792, Ingres avait été placé d’abord sous la direction de Roques. Au bout d’un an ou deux, et tout en poursuivant ses études musicales, il recevait les conseils d’un autre peintre, Vigan, professeur à l’Académie des Beaux-Arts de la ville. Enfin, lorsque l’enfant fut à peu près autorisé à consacrer tout son temps à la peinture, on décida qu’avant de passer outre on prendrait l’avis d’un troisième peintre dont Ingres lui-même nous a conservé le nom dans une note sur cette époque de sa vie. Ce nouveau patron, Briant, n’était pas, à ce qu’il paraît, dépourvu d’un certain talent personnel ; mais assurément il manquait à l’égard d’autrui de clairvoyance, puisqu’il crut démêler chez le débutant des dispositions pour la peinture de paysage beaucoup plus significatives que ses aptitudes à traiter la figure. Il lui conseilla donc ou plutôt il lui enjoignit d’agir en conséquence, et le pauvre jeune homme, s’attardant malgré lui dans cet atelier qu’il avait compté ne visiter qu’en passant, se soumit au régime du « beau feuille » et à l’étude de toute la calligraphie pittoresque dont les disciples de Valenciennes s’appliquaient de leur mieux à perpétuer la tradition.

Peut-être serait-il permis d’attribuer au souvenir de cette contrainte et de ces ennuis l’indifférence, sinon le dédain pour le paysage qu’accusent les tableaux successivement peints par Ingres dans le cours de sa vie. Bien peu de ces tableaux, — cinq ou six tout au plus, — représentent des scènes en plein air, et parmi celles-ci on ne trouverait guère à citer que l’Age d’or dont l’ordonnance emprunte quelque chose de l’emploi de la végétation. Partout ailleurs le pinceau du maître procède avec une réserve voisine de l’aridité. Quelques lignes de fond, quelques plans succinctement indiqués lui suffisent pour faire pressentir ce que Poussin et Raphaël lui-même n’hésitaient pas, en pareil cas, à expliquer sans réticence et à définir jusqu’au bout. Quoi qu’il en soit, l’apprentissage commencé chez Briant se termina un beau jour, moitié de bonne amitié, moitié de vive force, par la séparation de celui qui l’avait prescrit et de celui qui le subissait. Le lendemain, Ingres se mettait en route pour Paris, où il arrivait vers la fin de 1796. Admis au nombre des élèves de David, il prenait rang bientôt parmi les plus habiles : après quatre années d’études assidues et un premier concours à la suite duquel il avait obtenu le second prix, il remportait en 1801 le grand prix, le prix de Rome. ne le 29 août 1780, Jean-Auguste-Dominique Ingres était alors âgé d’un peu moins de vingt et un ans.