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indispensable que, pour en avoir une, le législateur français de l’an XI a été infidèle au principe du système adopté peu d’années auparavant. En Allemagne, on demande des pièces d’or, et à défaut d’une monnaie nationale on admet les napoléons dans la circulation. L’argent est trop incommode pour servir aux transactions importantes ; il appelle une forte émission de billets de banque, même de très petites coupures, expédient fâcheux dont les inconvéniens ont été parfaitement expliqués, récemment encore, par MM. Wolowski et Cernuschi. Il n’y a donc pas à hésiter, c’est au système anglais de l’étalon d’or que l’union devra se rallier.

Le numéraire a-t-il perdu de sa valeur depuis l’afflux de l’or californien et australien, et dans quelles limites sa puissance d’achat a-t-elle été réduite ? Un économiste allemand très consciencieux dans ses recherches, M. Soetbeer, est arrivé à constater une baisse moyenne de 10 pour 100 en examinant les prix des 150 principales marchandises sur le marché de Hambourg. M. Jevons, en raison de calculs du même genre faits en Angleterre, croit que la baisse est au moins de 15 pour 100 ; mais un autre économiste anglais qui joint à une connaissance approfondie des détails des vues élevées embrassant l’ensemble du sujet, M. Cliffe Leslie, fait remarquer que ces moyennes, calculées sur les grands marchés de Londres et de Harabourg, ne donnent qu’une idée très incomplète de l’influence exercée sur les prix par les 8 ou 10 milliards d’or versé dans la circulation du monde depuis vingt ans. La hausse des prix s’est fait sentir d’une façon très inégale dans les différentes localités : énorme en certains endroits, elle a été à peine sensible dans d’autres. Grâce aux chemins de fer, au libre échange, aux progrès de la navigation, aux relations commerciales de plus en plus développées, les prix tendent à se niveler. Là où ils étaient très bas, ils se sont considérablement élevés, d’abord parce que les produits étaient transportés à moindres frais sur les grands marchés de consommation, ensuite parce que l’or nouveau affluait dans les lieux où, par sa rareté, il avait la plus grande puissance d’acquisition[1]. L’Angleterre, où aboutissent les deux grands courant ininterrompus d’or

  1. M. Cliffe Leslie cite à ce sujet des faits très curieux empruntés aux rapports que les consuls britanniques adressent à leur gouvernement. Ainsi de 1854 à 1860 les prix à Bilbao ont à peu près doublé.
    1854 1860
    Viande de bœuf, la livre 2 pence 1/2. 4 pence
    Viande de mouton, la livre 2 pence 1/2 4 pence 3/4
    Pain, la livre 1 pence 2 pence
    Œufs, la douzaine 3 pence 3/4 7 pence 1/2


    En Irlande, la viande a triplé de prix depuis vingt ans. De 3 pence la livre, elle s’est élevée à 10 pence. Des tableaux officiels prouvent que depuis 1849 les prix ont plus que doublé dans l’Inde, et que dans certaines provinces ils ont triplé.