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venant de la Californie et de l’Australie, a conservé très peu de ces trésors sous forme de monnaie, 1/2 milliard au plus ; elle les a distribués dans le monde entier pour payer les produits qu’elle consomme en quantités sans cesse croissantes. Ce n’est donc pas en Angleterre, ni même à Londres ou dans les grandes villes que les prix, sauf ceux des maisons, ont haussé le plus, c’est dans les contrées récemment sorties de leur isolement. Comme le dit très bien M. Leslie, prenez une carte des chemins de fer exploités et de ceux qui sont en construction, et vous pourrez indiquer les régions où les prix ont augmenté déjà et celles où ils augmenteront bientôt. L’or a servi de véhicule à ce vaste mouvement industriel et commercial, qui tend à égaliser partout les conditions économiques et à mettre en valeur les ressources naturelles des pays arriérés au moyen des capitaux et du génie d’entreprise des peuples avancés.

La baisse de l’or et la hausse corrélative des prix ne sont point d’ailleurs des phénomènes dont il faille s’alarmer. Comme toute révolution économique, ils sont accompagnés de gêne pour quelques-uns ; mais au total le bien qu’ils produiront surpassera le mal. Le taux des salaires et des traitemens, celui des profits et de la rente finiront par se régler d’après la valeur décroissante de la monnaie. Ceux-là seuls seront atteints qui jouissent du revenu d’un capital. qu’ils cessent de faire valoir, c’est-à-dire les rentiers. Toutes les dettes anciennes, nominalement les mêmes, pèseront moins lourdement sur les débiteurs. La dette de l’état, dont tous les contribuables sont chargés, sera réduite. Dans les républiques antiques, les législateurs abolissaient de temps en temps toutes les dettes. Au pays d’Israël, la grande année jubilaire apportait à tous libération entière. Il semble que l’humanité ait besoin ainsi de s’affranchir parfois des charges anciennes pour recommencer à nouveau l’œuvre du travail dans sa liberté première. La délicatesse moderne ne tolère plus les expédiens sommaires de l’antiquité, mais la baisse régulière des métaux précieux conduit à peu près au même résultat. Les rentes stipulées en numéraire qui remontent au moyen âge sont réduites presque à rien, tant l’argent a perdu de sa puissance d’acquisition. Ne nous en plaignons pas : toute dépréciation de la monnaie profite à ceux qui vivent du travail actuel, et ne huit qu’à ceux qui subsistent sur le revenu du travail passé. Au XVIe siècle, l’abondance des métaux précieux a contribué à l’élévation de la bourgeoisie ; au XIXe siècle, l’abondance de l’or contribuera à l’émancipation du peuple.

En résumé, l’union monétaire universelle devrait adopter l’étalon d’or sous forme d’une monnaie internationale qui prêterait aux équations suivantes : la pièce de 25 francs, ou 8g,06451 d’or à 9/10es de