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car on a rencontré ses os en grand nombre non-seulement dans les brèches et dépôts ossifères des cavernes du Périgord et de l’Angoumois, mais aussi au pied de certains grands escarpemens de calcaires crétacés où ils sont associés à de nombreux silex taillés.

L’homme de cette époque emploie à la fois pour son usage les os, les cornes des animaux et la pierre, qu’il façonne avec plus d’adresse. L’inspection de quelques-uns de ces os atteste que ce n’était pas sur ceux qu’il aurait pu retirer du sol, mais sur ceux que lui fournissait la dépouille des animaux tués par lui, qu’il exerçait son industrie. MM. Christy et Lartet ont extrait d’un bloc de brèche de la grotte des Eyzies une vertèbre d’un tout jeune renne qui est percée de part en part par une lame en silex. Or l’os a dû nécessairement se trouver à l’état frais pour que cette lame ait pu s’y enfoncer si profondément. Tous les instrumens découverts dans les grottes du Périgord et de l’Angoumois annoncent chez notre espèce de notables progrès dans la fabrication des engins et des ustensiles. Les flèches sont barbelées, certains silex sont ébréchés de manière à en faire de petites scies ; on rencontre des ornemens exécutés avec des dents et des cailloux ; on a extrait de plusieurs cavernes, notamment de celle des Eyzies, des phalanges de ruminans creusées et percées d’un trou, et visiblement destinées à servir de sifflet, car ces pièces en rendent encore aujourd’hui le son. Un sifflet analogue a été trouvé à la grotte d’Aurignac. L’homme qui habitait ces cavernes ne maniait pas seulement la taille avec habileté, il réussissait à ciseler et à fouiller l’ivoire et le bois de renne, ainsi que l’ont démontré les curieux spécimens rapportés du Périgord ; enfin, chose plus remarquable, il avait déjà l’instinct du dessin, et il figurait sur le schiste, l’ivoire ou la corne, avec la pointe d’un silex, l’image des animaux dont il était entouré.

Ces curieux monumens d’un art anté-historique avaient tout d’abord, et cela se comprend, éveillé les soupçons des savans. Ces graffiti, ces dessins à la pointe paraissaient incroyables pour une telle antiquité. Pourtant il a fallu se rendre à l’évidence, et de nouvelles découvertes sont venues convaincre les plus incrédules. Sur une plaque de schiste découverte à la grotte des Eyzies, on voit dessinée de profil la moitié antérieure du corps d’un animal. L’image est trop grossière pour qu’on puisse discerner son espèce précise, mais on y reconnaît un herbivore ; une autre plaque de la même provenance nous présente une tête à naseaux bien accusés et à bouche entr’ouverte. Au gisement de Laugerie-Basse, des palmes de bois de renne ont offert des dessins d’un contour beaucoup plus sûr et plus exact, celui du corps d’un grand herbivore, un autre d’un bœuf qui pourrait bien être le bos primigenius, un troisième