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races indoeuropéennes, qui, ainsi que l’atteste leur idiome, étaient en possession des métaux avant leur migration sur notre continent. L’ensemble des autres objets retirés des palafittes dénote d’ailleurs un état social beaucoup moins rudimentaire que celui de l’âge de la pierre taillée. Sans doute, dans le plus grand nombre de ces cités lacustres, les instrumens rappellent par leurs formes ceux de la période quaternaire, mais les haches sont usées et aiguisées de manière à présenter un tranchant très régulier, ce qui n’est jamais le cas pour les haches du premier âge, pour celles d’Abbeville et des cavernes du midi de la France, non plus que pour celles des kjoekkenmoeddings. La poterie ressemble à celle qu’on découvre sous les dolmens et qu’on rencontre en diverses, cavernes ; elle est façonnée à la main, mais elle affecte une assez grande variété et offre déjà des rudimens d’ornemens. Ce sont surtout des vases à large panse, d’une pâte peu homogène, grise ou noire, jamais rouge, et dépourvue de ces anneaux qui deviennent très communs à l’époque du bronze. « Ce qui n’est pas moins significatif, écrit M. E. Desor, à qui on doit une excellente dissertation sur les palafittes, c’est l’emploi que l’on faisait de ces vases pour la conservation des denrées, telles que fruits et céréales, qui constituaient probablement les provisions de l’hiver. M. Gilliéron a recueilli dans la couche archéologique du Pont de Thielle de fort beaux grains de froment qui sont carbonisés comme la tourbe qui les environne. La station de l’île Saint-Pierre lui a fourni en outre de l’orge, de l’avoine, des pois, des lentilles, des glands. On y cultivait donc la terre, et l’on se livrait à l’éducation des bestiaux. » La découverte de meules, dont plusieurs atteignent jusqu’à 60 centimètres de diamètre, montre que les habitans des palafittes savaient triturer le grain. On a également retrouvé les pilons en granité et en grès qui étaient employés pour cette opération. Dans les cités lacustres de l’âge de la pierre polie, on a rencontré des lambeaux d’étoffes, preuve que déjà l’on savait tresser et tisser le lin.

On le voit par ce qui précède, il est dès aujourd’hui possible d’établir d’une manière approximative une chronologie des dépôts qui se rapportent à l’âge de la pierre. Ces dépôts représentent les premières étapes de la société dans sa marche vers la civilisation. L’emploi du métal marque une évolution nouvelle. De ce que l’on retrouve pour chaque pays cette succession de trois âges répondant à trois momens du développement social, il ne s’ensuit pas forcément que tous les peuples y soient arrivés en même temps. Il n’existe pas entre les trois époques respectives pour les diverses parties du globe un synchronisme nécessaire ; n’a-t-on pas découvert des populations qui n’étaient pas encore sorties, au siècle