Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/673

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lisses ou verruqueux, visqueux ou velus, couverts d’une poussière saline ou bien d’une efflorescence sucrée, quelquefois même d’un dépôt crétacé. Diverses aussi sont les couleurs : il y a des algues noires ou olivâtres, jaunes, vertes, roses ou carminées. On peut les diviser en trois sections, les brunes, les vertes et les rouges. Les premières sont les plus nombreuses et les plus basses, les rouges croissent à une faible profondeur, tandis que les vertes se trouvent généralement à la superficie des eaux. Une particularité des algues, intéressante surtout pour les collectionneurs, c’est qu’elles ne se décolorent pas en se desséchant. Un herbier d’algues marines est un véritable album où les plus admirables couleurs se combinent aux formes les plus gracieuses et les plus originales. Ce sont des taffetas de toutes nuances, de longues et soyeuses chevelures, ou bien d’élégantes ramifications, tantôt sombres comme la noire silhouette d’un arbre, tantôt lamées d’argent ou saupoudrées d’une pâle poussière d’or.

La structure intérieure de ces végétaux est entièrement utriculaire. Pas de vaisseaux, pas de fibres et par suite nulle circulation, rien que l’agglomération, la multiplication par lui-même, du premier élément végétal, la cellule. Cette absence d’organes circulatoires laisse les algues dans cette dissociation des parties qui caractérise toutes les créatures imparfaites. Aucune solidarité ne relie entre eux les fragmens même les plus rapprochés de la plante. L’absorption des liquides ne se faisant que par le contact immédiat, on voit souvent telle partie d’une algue se dessécher parce qu’elle a été soulevée au-dessus de l’eau, tandis que la partie contiguë prospère comme par le passé parce que l’eau l’humecte encore. C’est donc ici qu’on peut observer dans toute sa rigueur et- toute sa netteté le phénomène dont il a été question dans notre précédente étude, c’est-à-dire cette indépendance réciproque dans laquelle vivent les différens organes d’un même végétal. On peut dire que dans l’algue il n’est pas une cellule qui ne vive d’une vie entièrement distincte, et l’on ne doit voir dans l’espèce de tige des longues laminaires qu’une sorte de ligne d’attache que tel autre lien pourrait remplacer et à laquelle tiennent d’une façon toute mécanique les expansions des frondes énormes qui caractérisent cette espèce. Il en est de même pour les racines : elles servent non point encore à absorber et à nourrir, comme dans les végétaux supérieurs, mais simplement à maintenir et à fixer ; aussi peu leur importe que le terrain soit calcaire, schisteux ou granitique, il n’est pas question ici de fertilité ; assez de solidité pour résister aux flots, tout est là.

Par suite des formules indécises qu’affectent les règnes à leur point de départ, nous voyons les algues tantôt se rapprocher des végétaux supérieurs par certaines fonctions communes, et tantôt