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emprunter à certains animaux diverses propriétés particulières. C’est ainsi qu’on trouve généralement chez elles la double respiration des phanérogames, et chez quelques-unes, appelées corallines, la singulière faculté de s’encroûter et même de s’imprégner de carbonate de chaux au point de devenir dures et cassantes comme de véritables concrétions pierreuses. Cette particularité, si fréquente chez les animaux rayonnés, a souvent été la cause d’une confusion complète entre les corallines et les polypiers. Un dernier point de ressemblance de quelques algues avec les animaux, c’est leur décomposition rapide, dont les émanations nauséabondes rappellent celle des matières animales en putréfaction.

L’élément reproducteur des cryptogames s’appelle une spore. Il n’est pas sans offrir quelque analogie avec la graine des phanérogames ; mais il s’en distingue en ce qu’il peut donner naissance à des individus entièrement dissemblables de ceux qui les ont produits ; aussi les botanistes se sont-ils maintes fois mépris dans la classification de ces générations d’aspects variés[1]. Indépendamment de ces bizarreries, les algues présentent des modes de reproduction fort divers. On peut même dire que chaque famille se distingue par quelque particularité spéciale ; toutefois il existe un phénomène général non-seulement chez les algues, mais encore chez la plupart des cryptogames, et qui mérite une attention particulière : c’est la faculté de se mouvoir qui caractérise leurs spores.

La raison de ces mouvemens est demeurée jusqu’ici inconnue. Faut-il, avec les représentans d’une école qui n’admet dans la nature que des causes et que des effets nécessaires, y voir le résultat d’actions purement dynamiques, ou bien, avec les partisans d’un système opposé, y reconnaître les manifestations d’une vie qui, sur le seuil d’un règne et comme emportée par sa jeune énergie, dépasse le but, puis hésite, recule et finit par reprendre sa place naturelle dans l’échelle des êtres ?

Remettons à plus tard la réponse, car elle est difficile et d’autant plus ardue que le problème, déjà suffisamment obscur, se complique encore dans une certaine famille d’algues auxquelles on a donné le nom d’oscillaires. Nous avons vu que la faculté de se mouvoir, essentiellement transitoire chez les autres familles, ne se manifeste que par les évolutions de la spore. Il en est tout autrement chez les

  1. Un fait remarquable passé à l’état de loi et qui domine tous les phénomènes de germination chez les cryptogames, c’est qu’une espèce quelconque présente dans sa jeunesse les caractères de l’espèce inférieure. Toute mousse qui germe, par exemple, ressemble à une conferve, et la fougère naissante rappelle l’hépatique adulte. Sans chercher à exagérer l’importance de ce fait biologique, l’on ne peut s’empêcher d’y voir un argument de plus en faveur de la doctrine de l’enchaînement des êtres et de la solidarité ou connexion des séries.