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tels que Moncey et Jourdan, beaucoup des plus illustres lieutenans de Napoléon, Soult, Macdonald, Mortier, Oudinot, Molitor, les héros des dernières luttes impériales, Gérard, Maison, Lobau, Clauzel, et des hommes qui faisaient autorité en matière d’organisation, comme Mathieu Dumas, d’Ambrugeac ou Préval, pas une voix ne s’éleva pour demander le rétablissement d’un gros corps d’élite, d’une armée dans l’armée.

Enfin la loi du 26 avril 1855 a substitué l’exonération au remplacement, l’état aux anciennes compagnies d’assurance. Nous devons expliquer en peu de mots l’origine de cette transformation. En 1824, le général Foy lança un de ces cris qui, sortis d’un cœur de soldat et passant par une bouche éloquente, se gravent dans toutes les mémoires : l’impôt du sang! Ce mot contient une image juste, saisissante, et tous ceux qui peuvent avoir quelque action sur la destinée de nos armées devraient se le répéter tous les jours; mais, réduit à sa valeur mathématique, il a conduit à des conclusions que nous ne croyons pas exactes, à considérer le recrutement comme une contribution, à matérialiser une obligation morale, à traiter le réfractaire en retardataire et le déserteur en banqueroutier. On s’est dit aussi : Pourquoi ne pas faire entrer dans les caisses de l’état l’argent qui est absorbé aujourd’hui par les profits d’un commerce immoral? On y trouverait une ressource de trésorerie qui, à certains momens, pourrait être précieuse, surtout un moyen d’augmenter le bien-être de nos soldats et le nombre des rengagemens. De ce double ordre d’idées naquit le système de l’exonération, ou plutôt ce système ressuscita, car il avait quelques précédens inutiles à rappeler. Présenté dans plusieurs mémoires, il trouva pour la première fois sa forme officielle dans un rapport déposé en 1849 sur le bureau de l’assemblée nationale par le général de La Moricière; mais la commission dont il était le rapporteur avait compris qu’en se plaçant sur le terrain de l’impôt du sang, on ne pouvait s’en tenir à l’exonération, qu’on ne pouvait monopoliser au profit des citoyens les plus aisés le soulagement que les rengagemens devaient procurer à la population entière, et qu’à moins de violer les principes d’égalité qui depuis plus de soixante-dix ans forment la base de toutes nos constitutions, il fallait établir une sorte de capitation (comme ce mot ne plaisait point, on dit cotisation), imposer à tout Français âgé de vingt ans l’obligation soit de passer quelques années sous les drapeaux, soit de payer une somme proportionnelle à sa fortune ou à celle de ses père et mère; il ne devait y avoir d’exemption que pour les indigens infirmes. Ces idées dont l’ensemble était au moins logique ne parurent pas d’une pratique facile; la discussion en fit ressortir tous les inconvéniens, et malgré les efforts du général, qui avait