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pour mettre les pièces de bois à l’abri des attaques des insectes, tandis que la créosote jouirait de ce privilège. Dans l’Inde, c’est une chose capitale, car les insectes pullulent à un tel point qu’ils attaquent non-seulement les bois mis en œuvre, mais encore les arbres en pleine croissance. Les plus dangereux sont les termites ou fourmis blanches et les mouches charpentières (xylocopa). Pendant qu’elles sont à l’état de larves, ces dernières creusent dans les pièces de charpente des galeries qui ont jusqu’à 12 ou 15 pouces de long sur un 1/2 pouce de diamètre, et rendent les poutres ainsi attaquées impropres à tout service ; elles sont si nombreuses qu’on en a trouvé jusqu’à soixante dans un pied cube. Souvent ces ravages ne présentent aucune trace extérieure, de telle sorte que rien ne garantit que les bois qui paraissent les plus sains ne sont pas sérieusement compromis. Quant aux termites, qui malheureusement ont déjà fait leur apparition en Europe et causent dans nos arsenaux des ravages sensibles, on est parvenu à les éloigner en enduisant les pièces de bois d’une dissolution de gambir[1] dans de l’huile, procédé qui réussit également contre le taret, le plus redoutable des mollusques marins.

On ne sait du reste que fort peu de chose encore sur les nombreux insectes qui pullulent dans les forêts de l’Inde ; mais quand on voit les dommages que causent chez nous les chenilles, les vers blancs ou les insectes xylophages, qui, creusant leurs galeries entre l’écorce et le bois, provoquent le dépérissement de massifs entiers, on peut se figurer le mal qu’ils peuvent faire dans ce climat humide et brûlant, où les molécules organiques se combinent de toutes les manières, où la vie prend toutes les formes et se modifie sans cesse. Les arbres morts qui pourrissent sur le sol deviennent de véritables foyers d’infection, dans lesquels se multiplient des milliers d’insectes qui se jettent ensuite sur les végétaux vivans et les font périr à leur tour. Chaque plante a ses ennemis particuliers, qui se développeraient en proportion de la nourriture qu’ils rencontrent, s’ils n’avaient eux-mêmes leurs parasites, qui se multiplient plus rapidement encore et rétablissent l’équilibre.

Si la production du bois propre à la charpente et à l’industrie a été à juste titre l’objet des préoccupations du gouvernement, le bois de chauffage n’a cependant pas échappé à sa sollicitude. Bien que cela puisse paraître singulier dans une contrée située sous la zone. torride, la pénurie du combustible s’est déjà fait sentir sur un

  1. Le gambir est le suc d’un arbrisseau appelé uncaria gambir, qui croît à Sumatra ; il s’épaissit au feu, durcit au froid, et peut être alors coupé en morceaux. Les Malais le mélangent avec les feuilles de bétel pour le mâcher ; en Chine, on s’en sert pour le tannage et la teinture.