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menacés plus de représentans que les tories. On n’a point voulu laisser à M. Disraeli le bénéfice d’un pareil désintéressement. Un des esprits les plus pratiques de la chambre, M. S. Laing, a présenté et fait adopter un amendement qui retire le droit de représentation directe à tous les bourgs dont la population est inférieure à 10,000 habitans. Cette libéralité de la chambre, ajoutée aux vacances prononcées déjà par le gouvernement, met à la disposition de M. Disraeli 45 sièges à partager entre les centres de population les plus nombreux qui n’envoient point encore de députés à la chambre. Le ministre a renvoyé la présentation de son projet pour la distribution des sièges jusqu’après le congé de la Pentecôte. La situation de M. Disraeli a continué à grandir au milieu des apprêts d’une rénovation politique qui n’a point encore d’exemple dans l’histoire de l’Angleterre. Il est vraiment l’arbitre de la chambre des communes. Par prudence et par ménagement pour son parti, ses premières propositions sont modérées, mais il éprouve un visible plaisir à se sentir la main forcée par la portion sage de l’opposition ou même par un certain nombre de ses amis. Le premier ministre, lord Derby, s’honore en donnant à son brillant et heureux collègue le concours moral le plus manifeste. Recevant l’autre jour, avec M. Disraeli, des députations d’ouvriers qui venaient féliciter les ministres, chefs du gouvernement, des mérites du nouveau bill de réforme, lord Derby a fait généreusement remonter au chancelier de l’échiquier la gloire de ce grand ouvrage.

Tandis qu’en Angleterre le parti conservateur refond hardiment les vieilles institutions sur un type moderne, à l’autre extrémité de l’Europe, en Hongrie, une nation très libérale célèbre la restauration de ses franchises par des fêtes joyeuses et vivantes, quoiqu’elles soient réglées dans les formes du cérémonial le plus antique. A voir l’ensemble et les épisodes du couronnement à Bude de l’empereur François-Joseph comme roi de Hongrie, on se croirait transporté en plein moyen âge oriental. C’est un heureux naturel chez un peuple animé d’une passion généreuse pour les grandes émancipations de notre époque de conserver un sentiment si vivant de son histoire, et d’unir avec un patriotisme à la fois positif et poétique son passé à son présent et à son avenir. Les ornemens que portaient au sacre le roi et la reine sont des reliques du plus lointain moyen âge, et la vue seule en fait battre le cœur des Hongrois. La couronne talismanique. est composée de deux parties, l’une donnée par le pape Sylvestre au roi saint Etienne en l’an 1000, l’autre envoyée par un empereur de Byzance, Michel Dukas au roi Gysa. Le manteau impérial est celui que broda en 1031 la reine Giselle, la femme de saint Etienne, et qui depuis cette époque n’a été réparé que par des mains de reine de Hongrie. Les quatre coups de sabre aux quatre points cardinaux portés par le roi à cheval sur le monticule du couronnement ont ému les Hongrois, comme ils remuaient ceux des siècles passés. Jamais la procession des magnats n’a déployé des costumes