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plus pittoresques et plus riches ; jamais l’enthousiasme populaire, au rapport des témoins désintéressés, n’a été plus sincère, plus ardent et plus joyeux. Les Hongrois, ce jour-là réconciliés avec leur passé, se sont sentis revivre. La France aimera toujours ce peuple vaillant et expansif qui lui a fourni souvent autrefois de brillans et utiles cliens militaires. Il y a profit et plaisir pour la France de voir la Hongrie renaître au moment où de vagues inquiétudes sont entretenues au sujet de l’Orient. Voilà bien la première des races danubiennes, celle qui possède et les idées politiques de l’Europe et la tradition de la chevalerie guerrière. On ne peut manquer, en assistant au spectacle du réveil de la Hongrie, de rendre hommage aux deux hommes éminens par qui s’accomplit le rapprochement final de l’empereur d’Autriche et de la nation hongroise, M. de Beust et M. Deak. Nouveau venu dans la longue négociation entre le prince et le peuple, M. de Beust a eu le grand mérite de couper court aux discussions chicanières, de subordonner le préjugé germanique au suprême intérêt de l’état, de comprendre que la fédération de races à la tête de laquelle la maison d’Autriche est placée n’a plus de ressort ni de force, si la Hongrie, privée de ses franchises, demeure brouillée avec son roi ; une telle conduite de la part d’un homme d’état allemand ne pouvait se prévoir facilement ; le résultat en est un succès notable pour l’œuvre politique de M. de Beust. L’autre personnage remarquable dans cette œuvre conciliatrice a été M. Deak. On ne saurait trop admirer la patience infatigable et le désintéressement absolu de ce patriote éclairé. M. Deak n’a point cherché dans la politique le pouvoir, les grandes situations personnelles, les émotions tumultueuses de la popularité. Il a été un calme, patient et inébranlable avocat de son pays. Il a eu foi dans le droit historique de la Hongrie, et il a eu la force d’âme d’attendre que la nécessité contraignît le pouvoir à reconnaître le droit national. Quand les circonstances ont marqué l’heure décisive de la réconciliation, M. Deak a eu autant de sagacité qu’il avait montré de fermeté persévérante. Il a compris que la Hongrie était menacée des mêmes périls que l’empire autrichien, que les puissances dissolvantes dont l’ambition plane sur l’Europe orientale, la Russie et la Prusse, ne sont pas moins menaçantes pour la Hongrie que pour l’Autriche, et que le salut du royaume et le salut de l’empire étaient solidaires l’un de l’autre. Ce qui est aussi beau que le caractère de M. Deak, c’est la confiance que son peuple a mise en lui. Il n’est pas téméraire d’espérer que, rouverte sous de tels auspices, l’alliance de la politique autrichienne et de la vitalité nationale de la Hongrie produira des résultats heureux. C’est aux Hongrois maintenant de reprendre une intelligente et généreuse initiative parmi les races orientales qui les entourent, et de les disputer victorieusement au profit de la civilisation moderne à la propagande rétrograde du brutal panslavisme.

Au moment où la maison d’Autriche tente courageusement, dans ses pos-