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efforts est sortie une église tout entière : l’église anglo-catholique. Les pages qui vont suivre ont pour objet d’exposer les origines de cette église, ses premiers combats, ses progrès, la mission qu’elle s’est donnée. Dans la crise que subit en ce moment le christianisme par toute l’Europe, une semblable étude ne saurait trouver indifférens l’esprit qui pense ou l’âme qui croit.


I

Deux grands principes ; on le sait, forment les fondemens sur lesquels repose en Angleterre l’édifice entier de la réforme. Le premier proclame le droit inhérent à toute société chrétienne particulière de choisir sa propre forme de gouvernement religieux. Le second principe, source cachée du précédent, reconnaît à tout membre d’une société chrétienne le droit absolu de prêter à la parole de Dieu le sens que sa conscience lui suggère. Le protestantisme anglican n’affirme pas, il est vrai, l’égalité en perfections de toutes les formes politiques que peut revêtir une église ; il n’avance pas que le jugement d’un homme vaut celui d’un autre dans l’explication de l’Écriture, mais il a toujours admis l’indépendance réciproque, c’est-à-dire au fond l’autorité réciproque de l’association et de l’individu.

En vertu du premier principe, les gouvernemens successifs de l’Angleterre déclarèrent la hiérarchie épiscopale et sacerdotale appropriée au pays, et formulèrent dans les trente-neuf articles, les Homélies et le Prayer-book les croyances, le culte, la liturgie de l’église nouvelle. Ce fut l’établissement. Ce triomphe de l’autorité collective provoqua bientôt les résistances de l’autorité individuelle. L’interprétation privée réclama contre le dogmatisme de l’église, l’individu se posa en face de l’état. Alors on vit naître coup sur coup toutes ces sectes religieuses, si diverses de croyances et de discipline, mais toutes unies dans une même pensée, — la négation d’une église d’état. Les dissidens entrèrent en lutte. Étonné d’abord, bientôt irrité, l’établissement arma le pouvoir séculier, supprima les prêches, emprisonna les prédicans, déporta les sectaires. Tout le XVIIe siècle s’écoula dans ces tristes luttes.

Pendant que les cavaliers du roi Charles Ier dispersaient par la force les malheureux dissenters, une théologie nouvelle se faisait jour au sein même de l’anglicanisme. Comprenant que l’absolutisme de la liberté individuelle était la destruction radicale de la dogmatique ecclésiastique, plusieurs évêques tentèrent d’asseoir l’établissement sur de nouvelles bases. Ce fut alors que les Andrews, les Bramhall, les Laud, cherchèrent à constituer la toute-église